Le soleil s'était levé, jetant ses pâles rayons sur la plage, la mer grise faisant ses longs va et vient. Victoire était débout l'aube, elle s'était échappée du lit discrètement, en veillant ne pas réveiller Ted qui dormait à ses côtés, pour aller se poster près de la fenêtre. Elle écarté un rideau et avait regardé le spectacle qui s'offrait à ses yeux. Loin sur la plage, elle pouvait entrapercevoir la petite silhouette lointaine de la Chaumière aux coquillages. Ces environs, c'était ceux de son enfance. Que son fils y soit élevé l'emplissait d'une joie profonde, d'autant plus que c'était très pratique, ses parents étaient vraiment à côté pour garder Lyall. Faites des enfants pour les grands-parents les gardent. Victoire étouffa un rire, se rappelant d'une ancienne conversation qu'elle avait eu avec sa mère Fleur. En français évidemment. Pauvre papa. Lorsqu'ils étaient entre eux, Louis, Dom, leur mère et elle ne parlait que dans la langue maternelle, même si leur père entrait dans la pièce ensuite. Il les regardait, avec des yeux suspicieux, se demandant bien de quoi ils pouvaient donc parler même si saisissait des mots au vol. En français c'était aussi ainsi qu'elle avait décidé de s'adresser à Lyall, lorsque Ted n'était pas dans les parages. Pour lui transmettre quelque chose.
Elle laissa le rideau retomber, laissant une semi-pénombre envahir la  chambre tandis qu'elle saisissait d'un jean et d'un pull bleu pâle qu'elle enfila à la hâte afin de sortir de la chambre. Dans le couloir elle se dirigea vers la chambre de son garçon, dont la porte était déjà entrouverte. Il était déjà debout, ses poings agrippés à son lit à barreau. Il tendit les bras lorsqu'il la vit afin d'en sortir et dès que ses pieds se posèrent sur le sol, le petit ange aux yeux bleu et à la tignasse châtain clair devint un vrai démon. « Enfin mon chou, viens te promener avec Maman. » roucoula Victoire. Mais Lyall avec un délicieux sourire, lâcha un simple non, très déterminé. « Si. Sinon privé de Beedle and Cie. » lâcha Victoire en posant les mains sur les hanches en faisant référence à sa chaîne préférée. Finalement Lyal accepta de s'habiller avant de descendre au rez-de-chaussée pour déjeuner. Pendant qu'elle surveillait distraitement son fils, elle jeta un coup d'oeil à ses papiers, voyant où elle en était de ses travaux en cours. Même lors d'un jour de repos, Victoire travaillait, ou essayait de travailler, quand Ted avait le dos tourné. Son travail était sa passion. Seul Lyall était venu freiner cela. Non pas qu'elle le regrettait. Mais elle ne pouvait s'imaginer ce que sa vie aurait été parfois, si elle n'avait pas eu d'enfant. Aurait-elle plus avancé dans sa carrière ? Serait-elle plus connue ?
Poser toutes ces questions ne rimaient à rien, elle le savait trop bien. Victoire se saisit ensuite de Lyall qui avait fini de déjeuner pour lui enfiler un épais blouson, un écharpe et un bonnet bien chaud. Même si le soleil brillait dehors, il devait faire froid. « On va aller ramasser des coquillages d'accord ? Papa nous rejoint. » souffla t-elle en déposant un baiser sur la joue ronde de l'enfant, et alors, elle hurla à Ted qu'ils allaient à la plage. Tout en délicatesse et en discrétion. Sans compter que pour marquer le coup, elle claqua la porte derrière eux. Tant pis s'il dormait encore, se dit-elle en pouffant, avant de proposer à son fils de faire la course, et tous les deux partirent en courant vers la plage. Victoire avait raison, il faisait froid. Le vent plus particulièrement était glacial et rosit -pour ne pas dire rougi- ses joues, ainsi que son nez.
Puis les bras croisés, comme pour se réchauffer, la jeune femme observa son fils courir sur la plage, se pencher pour ramasser un coquillage, s'approcher de la mer pour s'en éloigner lorsqu'elle remontait, un sourire sur les lèvres. Un jour, elle avait été cet enfant insouciant et joyeux.  

Absorbée par la vision de leur fils jouant, Victoire ne remarqua, ni même n'attendit Teddy arriver derrière elle. Elle sursauta lorsqu'il apparut devant elle pour déposer un baiser sur ses lèvres. « Tu m’as fait un réveil d’enfer ce matin. Je sais que c’est important qu’on passe du temps tous les trois, mais on aurait pu y aller un peu plus tard dans la matinée également. » fit-il remarquer. Victoire masqua un léger sourire en détournant la tête, il était vrai qu'elle y était allée un peu fort, Ted était un vrai ours. Si il pouvait hiberner, sans nul doute qu'il le ferait tout l'hiver. Ou une marmotte. Même si avec ses cheveux ébouriffés, il tenait plus de l'ours que de la marmotte. Aujourd'hui en tout cas. Victoire avait envie d'être heureuse aujourd'hui, malgré le froid, et n'avait pas envie de se disputer, de mettre des sujets qui fâchent sur la table. Lyall détourna la tête pour apercevoir son père avant de courir vers lui. Victoire se dit qu'il allait beaucoup trop vite, mais au moins, si il tombait, ce serait sur du sable, et donc techniquement indolore. Elle n'était pas vraiment le genre de mère à s'inquiéter sans cesse pour son enfant. Quand il tombait, il se faisait mal, il hurlait, elle le rassurait bien sûr, le soignait, et c'était fini. Il pouvait tomber tant qu'il le voulait, Victoire serait toujours là pour le relever, enfin, elle l'espérait.
La main de Teddy glissa dans la sienne, et d'une légère pression, Victoire la serra presque machinalement, de vieux souvenirs remontant à la surface. « Tu as réussi à faire sortir monsieur l’ermite à ce que je vois. » ajouta Ted. Victoire se retourna vers lui, toujours en souriant -la bonne humeur, c'était important, même lorsqu'on ne l'était pas-. « Ne te fais pas d'illusion. Je l'ai menacé pour le faire sortir de sa tanière. En voilà un qui ressemble à son père sur ce point. » fit-elle avant d'avancer, entraînant Teddy à sa suite, puisque Lyall avait décidé de s'éloigner sans prêter attention à ses parents désormais. « Quand à toi, Lupin, je te signale que le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt. » Pendant longtemps, toute son adolescence à vrai dire, Victoire avait été une grosse dormeuse, et tout avait volé en éclat avec l'arrivée de Lyall. Ce n'était plus elle qui décidait désormais, c'était lui. Couché tôt, lever tôt, pour son plus grand malheur. « En plus il faut sortir tant qu'il y a un rayon de soleil. » ajouta t-elle, pour le convaincre, bien que le rayon de soleil en question soit masqué sous des nuages grisâtres, qui n'allaient pas en s'améliorant. On le voyait un peu, c'était le plus important. Un bref instant elle espéra ne pas l'avoir mis de trop mauvaise humeur, il pouvait être bougon parfois lorsqu'il n'avait pas ses heures de sommeil, c'était prodigieusement agaçant. Mais Victoire ne disait rien, il acceptait ses défauts, elle acceptait les siens. Enfin la plupart du temps, et généralement elle n'avait pas vraiment à se plaindre. D'autant plus qu'il devait avoir beaucoup de travail en ce moment. Elle aussi. Chacun gérait différemment. Victoire ne lui parlait pas vraiment de ce qu'elle faisait, ayant beaucoup de secrets à garder, et ce devait être pareil de son côté. Pour garder un secret, mieux valait ne pas le savoir, ou alors se taire. Vraiment se taire. Ne pas en dire un mot, ne pas faire une seule suggestion. C'était l'option qu'elle avait choisi. Victoire aimait attirer l'attention sur elle, elle n'était pas la fille de sa mère pour rien, mais elle préférait le faire en bien. Elle ne voulait pas être celle qui brisait par mégarde le secret professionnel.
Tandis qu'elle serrait toujours la main de Ted, elle restait silencieuse, l'observant, observant Lyall, elle n'avait pas vraiment besoin de parler, n'en ressentait pas le besoin, profitant juste du moment présent, inspirant à fond, laissant l'air salé lui chatouiller les narines.
Si cinq ans auparavant on lui avait dit qu'elle se trouverait sur une plage, avec son fiancé et un enfant, Victoire aurait sans doute ri. Pour l'enfant, pas pour le fiancé. La vie réservait bien des surprises, trop de mystères, et la jeune femme était déterminée à creuser encore plus. Elle avait goûté au succès, elle voulait qu'il y en ait d'autres.