Thelma traversait les couloirs du ministère d'une démarche rapide, le claquement de ses talons sur le sol résonnant contre les murs. Elle s'arrêtait parfois pour parler à des connaissances mais elle ne s'attardait pas avant de reprendre sa marche. Elle se rendit jusqu'au bureaux des aurors, heureusement au même étage ce qui lui permettait d'éviter l'ascenseur sur fréquenté à cette heure, et se dirigea vers le bureau de Lucas Raventhorn. Après avoir constaté que celui ci était désert elle le chercha brièvement dans les autres bureaux avant de demander à un des collègues du jeune homme s'il savait où il se trouvait. Celui-ci lui répondit aimablement qu'il était en mission et qu'il serait bientôt de retour aussi Thelma prit la liberté de retourner dans le bureau du jeune auror pour l'attendre. Elle regarda autour d'elle avec curiosité mais en dehors de pas mal de paperasse il n'y avait pas grand chose d'intéressant. Aussi elle se résigna à prendre son mal son patience et à attendre calmement que Lucas revienne en laissant voguer ses pensées.

Près de quarante cinq minutes plus tard c'était une Thelma beaucoup moins calme qui patientait dans le bureau de Lucas en attendant le retour de celui-ci. Visiblement l'auror qui lui avait dit qu'il allait bientôt rentrer n'avait pas la même notion du terme « bientôt » que la jeune Bulstrode qui commençait à s'impatienter. Elle avait finit par s'asseoir en comprenant que son attente risquait d'être encore longue et ses doigts qui tapotaient sa cuisse avec la régularité d'un métronome trahissait son impatience grandissante. Elle contint un soupir agacé avant de regarder sa montre une nouvelle fois. Les secondes s'écoulaient lentement, se transformant petit à petit en minutes, mais Lucas ne revenait toujours pas de sa mission. Elle ne s'intéressait pas particulièrement au sort du jeune homme, après tout ils n'étaient pas amis même si elle n'était pas capable de réellement définir leur relation, aussi elle n'était pas inquiète. Surtout qu'elle savait très bien qu'il n'était pas envoyé sur des missions très dangereuses ou très importantes. Mais son absence alors qu'elle attendait son retour l'irritait. C'était ironique que la seule fois où elle désirait le voir il était en mission et apparemment pas décidé à rentrer, alors que lorsqu'elle ne cherchait pas à le voir il apparaissait fréquemment sur son chemin pour lui faire du rentre-dedans.

La jolie brune lissa sans robe, pourtant sans un pli, avant de regarder la pièce une nouvelle fois. Mais comme toutes les fois précédentes rien ne retint son attention aussi elle préféra se concentrer sur les notes de services qui voyageaient dans les couloirs sous forme d'avion en papier violet dans un ballet bien coordonné. Ce spectacle la lassa bien vite cependant et ses pensées revinrent à Lucas. Elle se demanda une fois encore pourquoi elle l'attendait depuis aussi longtemps. Il n'était pas le seul sang-mêlé qu'elle connaissait et qu'elle pouvait inviter chez ses parents ce soir-même juste pour le plaisir de voir leur réaction en voyant leur fille unique en compagnie d'un sang-mêlé. Elle savait très bien qu'elle jouait avec le feu en poussant autant les limites de ses parents mais elle aimait trop ça pour arrêter. La jeune femme ne voulait leur ressembler en rien et plus elle s'éloignait de ce qu'ils attendaient d'elle plus elle s'en réjouissait. Elle voulait leur faire comprendre très clairement qu'elle ne serait jamais la gentille petite poupée sage qu'ils espéraient. Comme dans ce conte pour moldus leur marionnette de bois s'était transformée en enfant de chair et d'os. Et cette enfant avait grandi et était devenue une femme qui prenait un plaisir malsain à décevoir ses parents. Toute à son but de ne leur ressembler sous aucun prétexte elle risquait de finir par se perdre elle-même. Elle n'en était pas encore là aussi elle n'en avait pas conscience même si elle savait qu'elle jouait au bord du précipice.

Elle repoussa toutes pensées concernant ses parents au fond de son esprit et jeta un nouveau regard à sa montre. Cinquante minutes. Cette fois elle ne retint pas son soupir agacé alors que le rythme des tapotements de ses doigts sur sa cuisse s'accélérait. Thelma n'aimait pas attendre et encore moins lorsqu'elle n'avait rien à faire pour s'occuper. Elle se redressa en entendant la voix de Lucas dans le couloir et le tapotement de ses doigts sur sa cuisse s'interrompit. Elle l'avait attendu près d'une heure mais ça il n'avait pas à le savoir. Il ne faudrait qu'il se mette à penser qu'elle avait besoin de lui ou quelque chose dans ce goût là. Elle se leva et s'écarta du fauteuil du propriétaire des lieux pour se tenir droite, les mains sagement croisés devant elle et sourit poliment en le voyant, enfin, rentrer dans son bureau.

« Bonsoir Lucas. J'avais quelque chose à te demander et je me suis permise d'attendre dans ton bureau comme un de tes collègues m'a dit que tu arriverais bientôt... » Il y a presque une heure de ça ajouta-t-elle mentalement. « Mes parents organisent une soirée ce soir et je me demandais si cela te plairait de m'y accompagner. Si tu n'as rien d'autre de prévu bien sûr. »

Le ciel est gris. Une fine pluie s'abat sur Londres et les gens s'empressent de se mettre à l'abri. Les rues se vident, les établissements se remplissent, et Lucas aurait voulu pouvoir éviter de se faire tremper, lui aussi. Il faisait déjà assez froid et ses doigts gelés réclamaient une boisson chaude pour retrouver des sensations. Mais une mission n'attendait pas. Le bureau des aurors enquêtait depuis quelques semaines sur un sorcier vendant des artefacts de magie noire dans la rue. Plusieurs acheteurs gisaient à Sainte-Mangouste dans un état de sommeil profond inexpliqué. Selon leurs informations classées confidentielles, le charlatan prévoyait de vendre à nouveau, ce soir. Et si cela était considéré comme une petite enquête de routine pour le bureau, c'était la plus grosse depuis l'interrogatoire de Morgol pour Lucas. Relégué à la paperasse, il avait été écarté sans raison des plus grosses affaires en cours, sur lesquelles il manquait pourtant de personnel. Frustré - et ceci n'allait pas éteindre la colère qui sommeillait au fond de lui -, il était bien déterminé à clore cette petite enquête, pour leur - ou devrais-je dire lui - prouver qu'ils se trompaient sur son compte. Il avait toujours respecté la justice, le bonhomme ; l'ordre était une idéologie qui lui collait à la peau.

Les menottes furent passées à ses poignets, sa baguette confisquée. Le charlatan mit sous les verrous dans l'une des cellules du ministère et Lucas s'assit un mot. Sa cape en fourrure l'encombrait, il était trempé, les membres raidis par le froid, épuisé de cette longue attente, mais rien ne pouvait lui ôter la fierté de cette arrestation-éclair. En traversant les couloirs pour rejoindre son bureau, il contenait sa joie et son envie de secouer ses collègues léthargiques de sa situation. Et bien que le rapport final n'était pas ce qu'il préférait dans son job, il allait s'en contenter cette fois, histoire de pouvoir leur envoyer ce dernier en pleine figure. « Oh, bravo pour la prise, Raventhorn. » Le jeune auror tourna la tête vers son collègue. « Merci Stump. Ça fait plaisir ! » Abraxas eut un moment d'arrêt, comme s'il se rappelait avoir oublié quelque chose. « Oh, et il y a quelqu'un qui t'attend dans ton bureau, aussi. » Lucas pencha légèrement la tête, interloqué, attendant davantage d'informations, mais l'ancien gryffondor tourna les talons et retourna à ses occupations. Curieux, il poussa la porte de son refuge et découvrir Thelma.
Voilà qui était étrange, c'était normalement à lui d'avoir ce genre de comportement. Elle était plutôt du genre à jouer la reine de glace en ignorant ses sous-entendus et essayant de se défaire de sa présence, bien que, dans le fond, Lucas était certain que l'intérêt qu'il lui portait la touchait. Et il avait certainement raison, sinon elle ne l'attendrait pas dans son bureau, avec des signes visibles qui trahissaient son impatience. « Mademoiselle Bulstrode. » Il ferma la porte derrière lui calmement,  sans cacher sa surprise de la trouver ici. Elle semblait très pressée. « Bonsoir Lucas. J'avais quelque chose à te demander et je me suis permise d'attendre dans ton bureau comme un de tes collègues m'a dit que tu arriverais bientôt... » Il lui adressa un sourire simple et défit sa cape qui tomba lourdement sur le dossier de sa chaise de bureau. Par dessous, il portait un pull de Noël rouge, avec des motifs de cerfs et de flocons, un peu ridicule pour la situation. (pull de Noël) « Mes parents organisent une soirée ce soir et je me demandais si cela te plairait de m'y accompagner. Si tu n'as rien d'autre de prévu bien sûr. » C'est donc ça dont il s'agissait, une invitation pour une fête.
Lucas s'assit en prenant soin d'éviter le regard de Thelma et réaligna ses fournitures de bureau. Lucas aimait les fêtes, celles où les dames étaient bien habillées, celles où les conversations tournaient autour de leur véritable sujet, celles où la danse devait être maîtrisée. Une soirée contenue, où les invités voulaient se faire bien voir, où le prestige était la valeur qui comptait, où tout le monde s'ennuyait. C'était là que les esprits intelligents faisait bonne impression, que les mensonges charmaient les puissants, que les promesses étaient soufflées ; que les rêves commençaient. Mais Lucas n'était pas un habitué de ces soirées. Le nom de Raventhorn était ôté des listes depuis sa naissance, un sang-mêlé n'était pas le premier choix d'invité. « Non. » répondit-il simplement. Il leva enfin les yeux vers la jeune femme. Elle avait eu le cran de se présenter dans son bureau pour l'inviter. Elle avait eu la patience de l'attendre pendant un temps indéterminé dans ce bureau qui n'était pas très distrayant contrairement à ce qu'on aurait pu croire du jeune homme. Il n'aimait tout simplement pas être distrait dans son travail. Elle aurait le culot de l'inviter pour le présenter à ses parents. Ça éveillait sa curiosité. « Non, je n'ai rien de prévu ce soir. » Il afficha un sourire, fier de son petit suspens. Il était d'humeur merveilleuse et les simples mots de la demoiselle lui avaient déjà fait prendre sa décision. Mais il était loin de la laisser transparaître si facilement ; laisser mariner la demoiselle une moment était exigé. Il s'adossa à son siège, observant la posture fermée de la jeune fille, les bras croisés sur sa poitrine. Après tout ça, elle ne semblait toujours pas sûre d'elle. « Mais énonce-moi les raisons pour lesquelles je devrais me jeter dans la fosse aux serpents, en plus de tes beaux yeux ? » Il gardait son petit sourire espiègle, même s'il avait une idée de la réponse. Une petite fille qui voulait contrer ses parents, qui voulait se rebeller contre ces idéologies de pureté et ce système tout entier. Un Raventhorn au bras d'une Bulstrode, cela pouvait faire trembler les hautes sphères. « Je ne voudrais pas être indiscret, mais je comprends pas pourquoi tu t'enfoncerais ce poignard dans le ventre ... » Parce que Lucas, s'il avait eu la chance d'écouler dans ses veines, un sang épuré, il aurait fait honneur à sa famille en se mariant à une sang-pur sans discuter. C'est bien parce que son sang était inutile qu'il ne se prenait plus la tête avec cela. Mais dans le fond, il enviait ce monde, hors de portée de ses petites mains.

Thelma garda une expression impassible en voyant le pull de Lucas, adapté à la saison certes mais plus approprié sur un enfant de six ans que sur un jeune homme de vingt six ans. Il lui rappelait les pulls que portaient les enfants dans les rues de Londres à l'approche de Noël. Malgré son expression imperturbable ses yeux noisettes trahissaient son amusement face à ce pull festif et enfantin. Amusement qui disparût bien vite alors que l'auror rangeait son bureau sans faire le moindre cas de sa personne, comme si elle n'avait pas été là. Comment osait-il l'ignorer de cette manière après qu'elle l'ait attendu presque une heure dans son bureau ? Elle serra les dents et s'obligea à refréner son impatience. Il était normal qu'il prenne le temps de réfléchir à son invitation. Ils n'étaient pas amis et elle ne l'avait jamais invité nulle part. Au contraire la plupart du temps elle le traitait comme un indésirable dont elle cherchait à se débarrasser. Elle ne l'avouerait jamais et encore moins à Lucas mais elle appréciait l'attention qu'il lui portait et sa persévérance face à son attitude glaciale. Mais ce n'était pas pour ça qu'elle accepterait d'attendre encore plus de temps sans manifester son agacement. Au moment où elle allait soupirer pour signifier son impatience Lucas parla enfin. Elle se raidit en entendant son refus. Un simple non. Rien de plus. Un simple non dit sans émotion qui signifiait qu'elle avait attendu pas loin d'une heure pour rien. Un simple non qui réduisait ses projets pour la soirée en cendre. Elle n'avait plus qu'à trouver quelqu'un d'autre pour l'accompagner à cette soirée. Un autre sang-mêlé et si possible un qui ne la fasse pas attendre une heure avant de lui donner sa réponse.

Elle soutint son regard avec colère en retenant difficilement la réplique mordante qui lui brûlait les lèvres. Lui répondre ne serait qu'une perte de temps tout comme rester plus longtemps ici. Et elle avait déjà bien assez perdu son temps en l'attendant ici. Patienter pendant près d'une heure pour avoir un refus sans aucune explication... L'humiliation lui laissait un goût âcre dans la bouche. Mais ça il était hors de question qu'il s'en rende compte. Ça ne ferait qu'empirer l'affront qu'elle venait de subir en se prenant un refus avec si peu de délicatesse. Elle s'apprêtait à lui tourner le dos et à partir sans un mot de plus mais il reprit la parole avant qu'elle ne puisse mettre ses pensées en action. Il n'avait rien de prévu ce soir... Ce n'était ni un refus ni une acceptation et vu qu'il semblait bien décider à la torturer un peu avant de lui donner sa réponse ça ne voulait rien dire. Visiblement il était très satisfait de son petit jeu au vu de son sourire et elle lui lança un regard noir. Allait-elle donc passer toute sa soirée à attendre ? Attendre son retour de mission, attendre sa décision... Le peu de réserves de patience qu'elle possédait étaient épuisées depuis longtemps et pourtant il continuait de différer le moment de lui annoncer sa décision. S'il ne voulait pas l'accompagner à la soirée qu'organisait ses parents autant le lui dire tout de suite plutôt que de lui faire perdre son temps. Temps qui était bien trop précieux pour qu'elle le gâche en jouant aux petits jeux de l'auror et pourtant elle était encore là, à attendre sa réponse et elle s'agaçait elle même de ne pas être partie plus tôt. Mais partir maintenant n'aurait aucun sens alors elle était coincée ici sans savoir sur quel pied danser et elle détestait ça. La jeune brune aimait avoir le contrôle de la situation et ce n'était, malheureusement pour elle, pas le cas pour le moment et pire encore elle ne savait pas comment renverser la situation.

Elle haussa un sourcil à l'écoute des nouveaux mots du jeune homme. Il lui demandait de le convaincre d'être son cavalier pour la soirée ? S'il espérait qu'elle n'avait aucune bonne raison à lui fournir c'était un très mauvais calcul de sa part. Elle avait eu largement le temps de préparer ses arguments pendant qu'elle l'attendait sans avoir rien de mieux à faire que regarder les murs vides de son bureau ou réfléchir à ce qu'elle pourrait dire pour le persuader de l'accompagner. Avec toute son assurance fraîchement retrouvée elle lui adressa un sourire prédateur en s'avançant légèrement vers lui. Le jeu devenait enfin intéressant pour elle.

« Les raisons pour lesquelles tu devrais accepter mon invitation me semblent plutôt évidentes mais soit. Tout d'abord ça serait bon pour ta réputation d'être vue avec moi. Ensuite ce sont mes parents qui organisent cette soirée ce qui veut dire qu'il y aura un certain nombre de gens puissants qui seront ravis de faire jouer leurs relations pour permettre à ce jeune auror si prometteur au bras de la fille de leur hôte de faire ses preuves sur des enquêtes vraiment importantes. J'ai entendu dire que ce n'était pas vraiment le cas pour le moment... » Elle fit une moue faussement embêtée avant de faire les cents pas dans son bureau en reprenant son argumentation, oubliant petit à petit sa réserve. La reine des glaces s'envolait pour laisser place à une Thelma moins froide, qui n'avait qu'un seul but repartir d'ici avec Lucas comme cavalier. « Si la perspective de faire avancer ta carrière ne te semble pas suffisante je rajouterais que tu pourras profiter d'un buffet gratuit avec de l'alcool à volonté tout en savourant les visages choqués de tous les invités qui prônent la supériorité des sang-purs en te voyant à mes côtés. »

Elle arrêta sa marche face à lui avec un sourire amusé en imaginant déjà la scène avant de continuer de parler « Quand au poignard que je m'enfonce dans le ventre d'après toi je ne sais pas de quoi tu veux parler. L'apologie du sang-pur est dépassé et c'est à cause de ces croyances que la réputation de ma famille a autant souffert. Alors en m'affichant avec toi je montre au reste du monde sorcier que nous ne partageons plus ces convictions arriérées sur la supériorité des sang-pur et je redore le blason de ma famille. C'est donc du gagnant gagnant. »

Elle s'avança à nouveau vers lui mais cette fois elle ne s'arrêta qu'à quelques centimètres de lui « Oh et puisque tu as parlé de mes beaux yeux tu pourras les contempler à loisir toute la soirée si tu m'accompagnes... » Son ton se fit plus charmeur alors qu'elle se pencha pour lui murmurer chaudement à l'oreille « Sauf si tu trouves mes formes mises en valeur par ma robe plus intéressantes à voir que mes yeux ce que je comprendrais. » Elle s'écarta légèrement et le regarda dans les yeux « Alors viens avec moi. »

Son pull lui avait fait marquer des points, bien qu’il ne l’ait pas mis spécialement pour elle ce soir. Il ne se sentait pas ridicule, il aimait beaucoup trop les objets kitsch en cette ambiance de Noël, et c’était une tradition qu’il portait dans son cœur. L’ambiance de ces fêtes tenue par les chants des chorales, les lumières et les vêtements chauds lui donnait envie de se blottir dans son vieux fauteuil en cuir, auprès d’un bon feu de cheminée. La soirée était-elle une soirée de Noël avant l’heure ? Lucas en doutait, mais sortir la chemise, le costard et le nœud papillon en cette période était normal ; c’était après tout la période des fêtes, chez les moldus comme chez les sorciers.

Un petit mouvement de tête pour qu’il remette sa mèche en place, devant ses yeux et il la contemplait avec son petit sourire en coin, provocant. Le délice de cette négation simple, et il l’avait sentie bouillir. Les mots lui brûlaient la langue et il était impressionné par les efforts qu’elle avait déployés pour se contenir. Mais la suite semblait plutôt la ravir. Si elle avait été déstabilisée et légèrement à cran, la simple demande de justifications qu’il avait formulée l’avait rendu plus confiante en elle. Elle s’est détendue, retirant soudainement cet air sévère et cette attitude intraitable pour révéler une personne joueuse et un peu plus espiègle qu’il ne l’aurait cru. Elle était belle, quand elle ne pinçait pas ses lèvres d’un air outré … « Les raisons pour lesquelles tu devrais accepter mon invitation me semblent plutôt évidentes mais soit. Tout d'abord ça serait bon pour ta réputation d'être vue avec moi. Il haussa un sourcil, sans cacher une pointe d’exaspération. Sa réputation. C’était un point sensible pour le jeune homme qui se sentait terriblement abusé par les événements et par la réputation dont il jouissait. Les Raventhorn sont une famille pure, d’origine. Son père est de sang-pur et s’il avait été un peu plus sélectif quant à sa femme – bien que Lucas aimait profondément sa mère et la préférait même à son paternel –, cette lignée aurait perduré encore un moment. La valeur du sang importait peu en soi, mais c’était un héritage que Lucas aurait fièrement porté. Aujourd’hui, le monde était davantage segmenté ; les sangs-purs devenaient rares tandis que les sang-mêlés constituaient la plus grosse majorité de la population sorcière. Si être sang-mêlé devenait commun, être sang-mêlé dans une lignée de sang-pur faisait plutôt tache. Les familles perpétuaient les traditions quitte à sacrifier le véritable amour pour un partenaire de meilleure réputation ; et les Raventhorn ne valaient plus rien dans les soirées mondaines. Ils étaient devenus inutiles, indésirables, mal vus. Lucas aussi bien qu’il n’ait pas choisi cette situation. Il restait le vilain petit canard des hautes sphères. Pas assez propre, pas assez pur pour demander la main de leurs filles. Mais ce n’était pas grave, dans le fond ; il se contentait de leurs corps, pour le moment …
« Ensuite ce sont mes parents qui organisent cette soirée ce qui veut dire qu'il y aura un certain nombre de gens puissants qui seront ravis de faire jouer leurs relations pour permettre à ce jeune auror si prometteur au bras de la fille de leur hôte de faire ses preuves sur des enquêtes vraiment importantes. J'ai entendu dire que ce n'était pas vraiment le cas pour le moment... » Faussement désolée, elle réussit à tirer un petit rire silencieux du jeune homme qui la regardait épuiser ses arguments tout en effectuant des allers-retours dans son petit bureau tout vide. C’est qu’elle déployait tous ses talents de juge … pour prêcher un convaincu. Aucun doute, elle était bien dans son métier. Mais il doutait, par contre, du pouvoir de ces relations sur Harry Potter. Il n’en avait toujours fait qu’à sa tête, il l’avait toujours laissé à l’écart sans raison fondée – les faits de violence antérieurs n’avaient pas à intervenir dans sa carrière d’auror, pour lui. Néanmoins, passer dans une équipe qui ne serait pas dirigée par l’’’élu’’ mais par un Magnus Reed ou autre, il aurait peut-être davantage de chance d’être placé sur des enquêtes un peu plus intéressante. Si aujourd’hui était un cadeau, avec une réussite qui claquerait fort dans la figure de Monsieur Potter, Lucas savait que demain ne serait pas aussi palpitant, et que la paperasse continuerait à s’étaler sur son bureau, jusqu’à le noyer. « Si la perspective de faire avancer ta carrière ne te semble pas suffisante je rajouterais que tu pourras profiter d'un buffet gratuit avec de l'alcool à volonté tout en savourant les visages choqués de tous les invités qui prônent la supériorité des sang-purs en te voyant à mes côtés. » Il souriait toujours, caressant d’une main son pull en laine, plus par habitude que par nécessité.
Lorsqu’elle s’arrêta pour le fixer, il releva légèrement la tête, attentif, et les pupilles dilatées. Non, ce n’était pas l’alcool qui le motivait dans cette proposition ; pour un maniaque du contrôle, il n’était pas féru de cette sensation ivre de lâcher-prise et préférait réduire sa consommation d’alcool quand il n’en ressentait pas le besoin. Par contre, il comptait bien abuser de l’intérêt malsain qui serait porté sur lui. Sa mauvaise réputation allait en baver un peu, mais cela valait franchement le coup. « Quant au poignard que je m'enfonce dans le ventre d'après toi je ne sais pas de quoi tu veux parler. L'apologie du sang-pur est dépassée et c'est à cause de ces croyances que la réputation de ma famille a autant souffert. Alors en m'affichant avec toi je montre au reste du monde sorcier que nous ne partageons plus ces convictions arriérées sur la supériorité des sang-pur et je redore le blason de ma famille. C'est donc du gagnant-gagnant. » Il valait mieux ne pas dire ce qu’il pensait et rester sur la même longueur d’onde. Ce n’était pas un mariage, ce n’était pas définitif, la Bulstrode garderait son nom et la dignité qu’il lui était associée. Il se contenta d’hausser les épaules légèrement et s’apprêtait à fuir son regard quand elle fit une approche. La reine des glaces s’était radicalement transformée, pour lui donner chaud. Les engrenages de son cerveau s’enclenchèrent doucement pour donner naissance à ses premiers fantasmes, anodins. Il avait envie de goûter ses lèvres rouges et d’humer sa peau pour capturer son parfum, son essence. « Oh et puisque tu as parlé de mes beaux yeux tu pourras les contempler à loisir toute la soirée si tu m'accompagnes... » Il ne cilla pas même si de nouvelles images naissaient dans son esprit. Il se contenta de conserver son air de méchant garçon et de sourire en coin. Thelma se rapprocha encore, il pouvait sentir son shampooing fruité et son souffle chaud dans sa nuque, où ses poils se redressèrent dans un frisson d’excitation. Outre ces petits détails qu’il ne pouvait contrôler, il ne fit rien pour tenter une approche de peur que l’oiseau ne s’envole. Il préférait la laisser venir à lui et établir la confiance, dresser ensuite un voile d’intimité avant de la manger crue. Il était doux, dans le fond, le Raventhorn. Bien moins insistant qu’il ne l’avait laissé croire ces dernières semaines. « Sauf si tu trouves mes formes mises en valeur par ma robe plus intéressantes à voir que mes yeux ce que je comprendrais. » Mais elle, elle n’avait pas peur d’insister. Il était conquis par ses idées, et par l’idée abstraite d’une Thelma vêtue d’une robe longue et près-du-corps, de couleur vive. Elle s’éloignait doucement, comme s’il émergeait de son rêve, réveilllé ; une danse répétée où c’était à présent à lui d’effectuer les pas. Un en avant, un en arrière et nous revoilà à la case départ. « Alors viens avec moi. » L’invitation était renouvelée, plus alléchante que jamais.

S’il était épuisé par la mission de la journée, il s’était trouvé une nouvelle source d’alimentation pour la suite de la soirée, le désir. Si rendre les parents Bulstrode et leurs invités fous était appréciable, il aurait tout de même pu s’en passer. Mais cette curiosité que l’héritière avait déclenchée à propos de ses courbes et de son regard, il ne pouvait s’en défaire. Vaincu, mais bon joueur – au final, il ne considérait pas avoir perdu dans l’échange – il se redressa et entrouvrit les lèvres un instant avant de lui répondre en sélectionnant ses mots d’une manière insolente. « Si je peux me permettre, vous portez bien la toge, Maître. Votre argumentation est plutôt convaincante. Et je n’ai pas d’autre choix que d’accepter votre proposition. »  Il sourit plus franchement et détourna le regard vers la porte de son bureau. Il semblait avoir du mouvement dehors, mais le mouvement n’était jamais pour lui – c’était l’un des avantages à être mis de côté, on est jamais dans l’urgence. «  D’autre part, vous avez réussi à attiser ma curiosité en matière de mode. » Lucas ne s’intéresse pas à la mode, mais il s’intéressait aux filles qui s’y adonnaient. A regarder son accoutrement de Noël au bureau, on pouvait remarquer qu’il n’était pas un coincé, maniaque absolu de son image. Il aimait bien paraître, parce que ses émotions irrévélées se masquaient en secrets. Mystérieux, pas tellement ; intriguant, c’était plutôt dans cette gamme qu’il voulait jouer, pour déstabiliser comme bon lui semblait par la suite. Pour jouer, en somme, au chat et à la souris. « Par contre, je doute fort que ma réputation puisse s’améliorer ... » Le jeune homme s’approche d’elle doucement et lui glisse à l’oreille quelques mots. « J’ai bien peur de la mériter amplement, malheureusement. » Lucas ne savait pas bien de quoi elle voulait parler, de quels termes, en particulier, il aurait pu se détacher. Mauvais garçon, coureur de jupons, colérique, sang-mêlé, incontrôlable, indiscipliné, frustré ; il était infréquentable. Il supposait que la plupart des rumeurs qui couraient à son sujet était vraies, et que le reste ne tardait qu’à être accompli. Il était un peu craint, un peu montré du doigt, mais considéré comme un jeune homme en train de se chercher, de trouver un équilibre dans sa vie plutôt bien entamée et plutôt bien menée jusque-là. Il était auror, il avait des valeurs de justice, il était bon dans ce qu’il faisait. Il avait beau ne pas savoir contenir ses émotions fortes, il avait beau ne pas toujours être réglo avec les filles ; au final, il savait se servir de sa baguette magique et faire plier ses adversaires comme il le voulait. Avec du recul, on pouvait dire qu’il y avait pire, mais qu’il y avait mieux aussi – et Merlin savait à quel point ceux-là devenaient vite rasoirs.
Le jeune homme se glissa derrière la jeune fille, se retient de tout contact. « Deux petites secondes, je me libère. » Il entrouvrit la porte de son bureau pour passer sa tête au-dehors. « Hey Abraxas ! Il se passe quoi ? C’est quoi cet affolement ? » Son collègue repassait par là et n’avait pas l’air rassuré. « Oh rien, c’est juste une fausse alerte sur le Grimoire ... Et ton arrestation a fini par faire le tour du bureau, tu veux aller boire un verre pour fêter ça ? » Le jeune auror afficha un sourire qui ne savait dissimuler sa fierté, même s’il goûtait l’amertume. Il était exclu de cette enquête, ce qui veut dire que ça ne le concernait pas. « Bien, vous n’avez donc plus besoin de moi. On fera ça une prochaine fois. »Il referma soigneusement la porte avec un soupir de satisfaction, l’écriture de ce maudit rapport attendra demain ... Il resta face à cette porte pour savourer son sentiment de liberté face à ses obligations. Maintenant, il pouvait se détendre et oublier cette apparence professionnelle qu’il se donnait. Être sur la retenue était épuisant alors que se laisser voguer sur ses émotions était tellement plus naturel, plus vivant, plus insaisissable.  Il se retourna et chercha les yeux noisettes de la jeune fille. « Je peux maintenant dire que je suis à vous, corps et âme. » C’était une expression, bien sûr. Le jeune Raventhorn n’était pas prêt à lui donner son âme pour le moment, il la préservait encore pour le diable, au cas où. Néanmoins, il était prêt à mettre de sa personne pour offrir à Thelma le message qu’elle voulait adresser à ses parents. Ils allaient être déçus, comme tous les enfants qui ne recevaient pas de cadeau à Noël …

Sitôt son invitation répétée Thelma fixa Lucas avec attention. Ses yeux cherchaient à décrypter son expression et son regard pour connaître ses pensées. Elle essayait de paraître sûre d'elle et de son argumentation mais en vérité maintenant qu'elle attendait son verdict elle n'était plus sûre de rien. Maintenant qu'elle avait fini de parler elle ne pouvait rien faire ou rien dire de plus pour le convaincre. Et la voilà pendue à ses lèvres alors qu'elle attendait de savoir s'il allait accepter son invitation. Heureusement cette fois son attente fût de courte durée et un sourire victorieux étira ses lèvres. Il avait dit oui. Elle avait gagné. Ses yeux brillaient de satisfaction alors qu'elle le regardait sourire plus largement. Il était beau quand il souriait. Elle admira discrètement son profil alors qu'il regardait vers la porte. Il aurait probablement fait des ravages s'il avait été un sang-pur, auprès des jeunes femmes à marier au sang aussi pur que celui de Thelma, qui se seraient battues pour avoir la chance d'être l'heureuse élue qui pourrait parader à son bras jusqu'à la mort. Mais à cause du sang de sa mère, au lieu d'être l'homme à épouser et le célibataire à qui passer la bague au doigt, il était condamné à être un indésirable aux yeux de ceux qui faisaient l'apologie du sang pur, un homme avec lequel on ne devait pas être. Un secret honteux pour celles qui lui avait offert un tour dans ses draps. C'était injuste. La jeune Bulstrode se fichait pas mal de la soit disant supériorité des sang-purs sur les sang-mêlés ou les nés-moldus. Tout comme elle se fichait habituellement de tout ce que les sang-purs possédaient mais que jamais les sang-mêlés ne pourraient connaître, uniquement pour quelque chose dont ils n'étaient en rien responsables. Chacun portait sa croix et elle avait plus tendance à se préoccuper de ce que ça lui coûtait d'être une Bulstrode plutôt que de penser aux avantages. Mais soudainement alors qu'elle venait d'inviter Lucas dans son monde, qui lui était dû uniquement par la pureté de son sang, Thema prenait conscience des différences qui existaient entre eux. Aux avantages auxquels elle avait eu droit et dont lui, et tous les autres autres sang-mêlés, étaient privés. Elle n'avait aucune ambition de changer le monde, d'une certaine manière elle était bien trop égoïste pour ça. Mais juste pour ce soir elle allait offrir à Lucas un peu de ce que le sang de sa mère lui avait enlevé.

Elle rejeta sa prise de conscience au fond de son esprit pour lui offrir un sourire moqueur quand il reporta son attention sur elle. Curieux sur la mode... Le sous entendu était plus qu'explicite, comme souvent avec l'auror, mais contrairement à son habitude elle ne le repoussa pas froidement. Elle était de trop bonne humeur grâce à sa victoire pour s'offusquer de si peu. Surtout qu'en vérité ses sous entendu ne la dérangeait pas tellement. La belle brune aimait plaire et elle était contente de voir que c'était le cas. C'était probablement pour cette raison qu'elle le laissait s'approcher autant d'elle sans esquisser un mouvement de recul. Elle se contenta de hausser un sourcil, son sourire moqueur toujours accroché à ses lèvres, sans s'éloigner. Même lorsqu'il s'approcha si près qu'elle pouvait respirer son parfum. Une odeur légèrement boisée et musquée.Virile. Elle trouvait cette odeur intoxicante et ce fût encore pire quand il se pencha pour lui parler à l'oreille. Elle lui avait fait la même chose un peu plus tôt ce n'était probablement que justice qu'il lui rende la pareille. La reine des glaces avait voulu jouer avec le feu. Mais la glace fond au contact des flammes et elle risquait de brûler. Un frisson traversa son échine dû à la proximité du jeune homme mais elle se força à conserver une expression impassible. Ses efforts furent réduits en fumée quand elle entendit sa voix chaleureuse au creux de son oreille et elle passa sa langue sur ses lèvres pour les humidifier. La température dans la pièce semblait avoir augmentée mais elle refusait de s'écarter de lui par pure fierté.

Ce fût lui qui s'écarta. Elle se détendit quand il passa derrière elle sans même la toucher pour ouvrir la porte et elle s'éloigna légèrement en se tournant pour le regarder. Elle profita de leur distance pour remettre de l'ordre dans ses pensées et se concentrer sur ce qu'il lui avait dit en le fixant d'un air songeur. Il méritait amplement sa réputation ? Elle se remémora les choses qu'elle avait entendu sur lui. Sang-mêlé violent il y a quelques années de ça il se murmurait qu'il avait canalisé sa fougue dans les conquêtes féminines mais qu'il restait incontrôlable et que c'était la raison pour laquelle il était mis sur la touche en tant qu'auror. Elle avait entendu dire plusieurs fois qu'il était infréquentable et pas uniquement à cause de son sang. Elle n'y avait jamais réellement prêté attention puisque les rumeurs ne l'intéressaient pas. Pas mal de gens ne l'aimaient pas à cause de son nom de famille et faisaient courir des rumeurs sur son compte alors elle avait vite appris qu'on ne pouvait pas se fier aux rumeurs et elle ne les écoutait pas. Que sa réputation soit fondée ou non ça ne changeait pas grand chose à ses yeux. Elle était suffisamment mauvaise pour scandaliser ses parents en voyant leur fille aînée à son bras et c'était tout ce qu'elle voulait. Et elle était bien placée pour savoir que ce n'était pas les personnes à la réputation la plus étincelante qui étaient les plus respectables. Il suffisait de voir Harry Potter qui avait eu une réputation au dessus de tout soupçon jusqu'à ce que quelqu'un découvre qu'il était infidèle et depuis tout s'effondrait comme un château de cartes autour de lui.

La jeune femme arrangea sa coiffure et lissa nerveusement sa robe pendant que Lucas discutait avec son collègue. Elle n'appréciait pas de savoir qu'il lui était si facile de l'ignorer mais cela lui permettait de reprendre contenance alors elle ne dit rien. Il lui tournait le dos aussi elle pouvait l'observer sans qu'il n'en sache rien. L'émoi de son corps face à la proximité de celui du jeune homme était inattendu. Mais cela promettait de rendre la soirée moins ennuyante. Elle sourit légèrement à cette pensée et regarda sa montre. Son sourire se transforma en grimace en voyant l'heure et elle releva la tête vers l'auror qui venait de fermer la porte au nez de son collègue après avoir décliné son invitation à boire un verre. Elle haussa un sourcil mais se garda bien d'exprimer son étonnement à voix haute. Après tout les raisons du refus de Lucas ne la regardaient pas. Elle se contenta d'attendre qu'il se tourne vers elle et elle lui sourit poliment quand ce fût le cas. Son sourire devint amusé quand il lui dit être à elle corps et âme et elle s'avança jusqu'à le frôler.

« Je vous laisse votre âme bien volontiers je m'en voudrais de vous en déposséder. Votre corps en revanche... » Elle laissa ses yeux parcourir le corps de l'auror en ajoutant « Disons que je n'aurais pas tant de remords. »

Elle appréciait ce jeu de séduction qui s'était instaurée entre eux sans qu'elle ne sache qui avait fait le premier pas. On aurait presque pu croire à une parade nuptiale où chacun essayait de séduire l'autre pour le pousser à céder. Ils repoussaient chaque fois les limites avant de reculer aussitôt en attendant le prochain mouvement de l'adversaire. Et cela l'amusait. Tellement, qu'enivrée par ce jeu, elle ne remarquait même pas qu'elle venait à lui, tel un poisson qui attrape un ver et qui ne s'aperçoit que trop tard de l'hameçon qui est planté dans sa lèvre. Elle avançait ses pions dans ce jeu de séduction avec innocence sans s'apercevoir qu'elle laissait son roi à découvert.

Elle effleura son pull d'une main légère avant de reculer pour mettre entre eux une distance plus convenable. « Joli pull. Très mignon. Mais il ne serait pas très approprié chez mes parents. Et même si leur expression en vous voyant avec ce pull dans leur manoir me ravirait je crains que cela ne serve ni vos intérêts ni les miens puisqu'ils risqueraient de vous mettre à la porte. Je suis certaine que vous avez des tenues plus appropriées mais comme il nous reste un peu de temps avant que la soirée ne commence je serais ravie de vous accompagner pour vous aider à faire votre choix. »

Bien sûr elle pouvait faire passer cette envie soudaine de l'accompagner chez lui pour l'aider à choisir sa tenue pour un manque de confiance en ses goûts vestimentaires. Après tout, avec un pull pareil, rien ne permettait d'affirmer qu'il pourrait faire un bon choix pour une tenue appropriée dans une soirée de ce genre. Mais en vérité elle était poussée par la curiosité et voulait voir où Lucas vivait. Pour savoir si c'était dans un endroit aussi froid et impersonnel que son bureau ou si c'était plus à son image. Sans négliger la perspective alléchante de Lucas en tenue de soirée juste pour ses yeux pendant quelques instants. La reine des glaces avait laissé place à une créature de sang chaud au moins pour ce soir.

Elle lui lança un sourire charmeur « Bien sûr en contrepartie je serais ravie d'avoir votre opinion sur ma tenue. » Elle se rapprocha à nouveau lui, tellement près qu'elle pouvait à nouveau respirer son parfum et qu'elle sentait la chaleur de son corps, et elle lui sourit avec amusement « Mais avant cela j'ai une question. Bien sûr je suis ravie d'avoir réussi à vous convaincre d'accepter mon invitation. Ceci dit j'aimerais savoir... Lequel de mes arguments vous a convaincu ? »

Il avait percé sa bulle, et s'était fait une petite place à l'intérieur. La jeune fille qui l'ignorait et restait sourde à ses approches multiples avait fini par se rendre compte que Lucas pouvait avoir son utilité. Emmerder l'aristocratie, emmerder ses parents, et arrêter de s'emmerder soi-même. Il était une solution facile, et il s'en rendait compte. Le tout était de tirer profit de ces situations ; s'aventurer dans le repère du dragon pour lui dérober tout son or. Pour eux, il était l'indésirable, la bête, accrochée au bras de la belle. Sous leurs regards incompris, il allait la faire tournoyer dans vide à lui en donner le vertige. Douce sensation de légèreté et notion du temps égarée. Ivresse de plaisir et cœur battant. Mais la danse qu'il désirait âprement n'allait pas se dérouler sous le feu des projecteurs. Il restait pudique dans ses émotions. « Je vous laisse votre âme bien volontiers je m'en voudrais de vous en déposséder. Votre corps en revanche ... Disons que je n'aurais pas tant de remords. » La jeune femme de glace s'était changée en tentatrice pour la soirée. Il ne la connaissait pas franche, il ne la connaissait pas si directe. Elle était à bouffer. Ses yeux baladeurs l'imaginaient déjà nu. Et lui, il prenait plaisir à voir la belle se dévergonder. Il la voyait jeune, il la voyait pucelle, ils avaient toujours seize ans et étaient désintéressés. Il la revoit dans ses livres, déterminée, l'air intelligent et supérieur. Il se revoit lui, jeune petit con au potentiel inexploité. Et dix ans plus tard, logiques avec eux-mêmes, seules leurs hormones avaient changées, décuplées. Ils avaient soif de corps et d'aventures, voulaient trouver le grand frisson qu'ils pourraient supporter toute une vie. Une âme-soeur, si on y croit. Lucas non, mais il ne comptait pas rester seul toute une vie. Alors, il s'accompagnait tous les jours d'une nouvelle fleur pour en puiser le parfum, jusqu'au jour où il s'en éprendra. Vraiment, follement, exquisement, passionnément, fusionnellement. Ce jour ne risquerait pas d'arriver, surtout dans un tel accoutrement. « Joli pull. Très mignon. Mais il ne serait pas très approprié chez mes parents. Et même si leur expression en vous voyant avec ce pull dans leur manoir me ravirait je crains que cela ne serve ni vos intérêts ni les miens puisqu'ils risqueraient de vous mettre à la porte. Je suis certaine que vous avez des tenues plus appropriées mais comme il nous reste un peu de temps avant que la soirée ne commence je serais ravie de vous accompagner pour vous aider à faire votre choix. » Thelma toucha du bout des doigts la laine qu'il portait sur le dos. Lucas frémit et la laissa le taquiner gentiment. La perspective qu'elle l'accompagne chez lui ne lui déplaisait pas, et cette soirée devenait plus optionnelle que prévue. Lucas haussa les épaules légèrement, signe qu'il acceptait de la recevoir dans son appartement trop grand pour lui. Il possédait bien quelques vêtements de soirée, elle n'avait qu'à piocher les pièces qui la raviraient le plus. Tant que les essayages ne s'éternisaient pas en simple essayage ... « Bien sûr en contrepartie je serais ravie d'avoir votre opinion sur ma tenue. » Il arqua un sourcil, suspicieux et fanfaron. Elle devrait forcément être belle dans sa tenue. Elle l'était déjà sans artifice, alors pomponnée et princesse de la soirée, il comptait tout simplement la croquer. Ses grands yeux bruns se rapprochèrent étonnamment de son visage tandis qu'il se surprit à humer doucement le parfum de la demoiselle. Il était sensible aux odeurs. Il était sensible à ce que ces dernières pouvaient lui crier, pouvaient lui ordonner. Intenable, elles lui sommaient de lui déposer un baiser dans le cou, où son parfum avait été déposé. Il résista à l'envie, fermant les yeux pour faire de son odorat son premier sens, durant deux secondes et demi. « Mais avant cela j'ai une question. Bien sûr je suis ravie d'avoir réussi à vous convaincre d'accepter mon invitation. Ceci dit j'aimerais savoir... Lequel de mes arguments vous a convaincu ? » Il répondit à son sourire par un sourire. La curiosité était un vilain défaut. Le jeune homme reste silencieux, ses prunelles hurlant la malice, le mensonge et la fausse innocence. Il spécule. Ses intentions sont connues, tout comme ses moyens. Et bizarrement, la demoiselle n'en tient pas compte et s'abandonne aux bras de monsieur le prestidigitateur, perdue dans son ennui.

Heureusement, miss Bulstrode, on apprend de ses erreurs. Et il me semble que vous étiez bonne élève jadis. Lucas se penche légèrement vers elle pour lui confier un secret. La curiosité est un vilain défaut. Elle se confie plus qu'elle ne le devrait, la demoiselle. Parce qu'elle ne se doute pas qu'il est un plus beau parleur qu'il n'est une belle personne. Lui susurrer sans honte à l'oreille quelques illusions fantaisistes,, plaisantes au cœur et à l’ego. « Tu m'as achevé à l'idée de tes courbes dans cette foutue robe. » Abat du vouvoiement, cette barrière intime placée au préalable pour donner l'impression d'une intimité rapprochée. « A moins que ça ne soit le lot d'amusements qui pourrait amener de la fraîcheur dans mon banal quotidien ... Je ne sais plus ... » Il la berce dans de douces illusions pour ne pas lui dire qu'elle l'intrigue, qu'elle le surprend. La petite fille sage derrière son image de juge sévère, qui se dresse pour revendiquer une juste place au sein de sa propre famille. Lucas savait que Monsieur et Madame Bulstrode n'aimaient pas les valeurs que l'on accordait à cette nouvelle société en développement. Ils étaient de la vieille école, où le prestige de leur famille et leurs croyances implantées sont une tradition qui ne peut évoluer. Outre le sang pur qui doit le rester, il y a l'éducation. Et Thelma, qui a bénéficié de cette éducation, ne leur rendrait pas, et ça risquerait de leur faire mal, tant dans leur ego que dans leurs cœurs. C'était à elle de leur donner une leçon. « En tout cas, Thelma, c'est parce que j'ai envie de profiter de ta présence. Et vu qu'en réalité, tu n'es pas insensible à mes charmes, que tu profites des miens ... »

Il se redresse, la frôle en passant à côté d'elle pour récupérer sa cape encore humide qu'il passe sans broncher. Ils devraient se mettre en route s'ils voulaient pouvoir profiter de leurs essayages respectives, avant la soirée. « Si je peux me permettre, après toi. » Il attrape le dossier sur le haut de la pile et la suit vers l'ascenseur. Ils se dirigeaient vers la sortie du Ministère, le hall d'entrée, où les deux sorciers pourraient prendre la poudre de cheminette pour rentrer directement chez Lucas, en périphérie de Londres. Il restait silencieux, se contenant de marcher aux côtés de la jeune fille en oubliant ses réflexions habituelles qu'il pouvait avoir à son encontre, ou à l'encontre des idiots qu'il croisait. Dans l'ascenseur, où plusieurs sorciers à l'air sérieux consultait des papiers, parchemins ou objets magiques, Lucas se tourna vers Thelma. « Tu n'aimes vraiment pas mon pull ? » Il la fixa avec un peu trop d'intensité pour le sujet abordé. Il n'eut pas besoin de sa réponse qu'il levait les yeux au ciel en soufflant bruyamment. Peu gêné de déranger ses collègues, il croisa les bras sur son torse et se résolut à intégrer une seule pensée, un brin vexé, mais surtout amusé. C'est ses réactions par rapport à son attitude, qu'il voulait connaître. « Tu n'as pas de goût. »

« 28 burbage road. » Il était passé en premier. Le visage de Thelma disparaissait alors que le jeune homme était dévoré par les flammes vertes. Il ferma les yeux pour le trajet, la poudre de cheminette avait tendance à lui donner légèrement la migraine. Lorsqu'il rouvrit les yeux, il était chez lui. Un appartement grand, vide de toute décoration. Le salon et la cuisine se mélangeaient et offrait un espace assez grand au centre de l'appartement, où le toit industriel en verre laissait filtrer la lumière malgré une épaisse couche de poussière. Son canapé brun en cuir était dans l'alignement d'une télévision, où Lucas jouait davantage à la console moldue qu'il ne regardait Magic TV. Sur un pan de mur entier, Lucas avait installé des étagères où de nombreux livres commençaient à prendre la poussière. Les sujets étaient aussi diversifiés que passionnants à ses yeux. Sa bibliothèque était la seule partie de son appartement qui révélait son caractère et sa personnalité. Magie noire, créatures magiques, magies anciennes, potions, astronomie, pratiques interdites, ... Une étagère spéciale rassemblait ses livres moldus, du Kamasutra aux contes pour enfant en passant par des romans classiques. Lucas n'aimait pas forcément lire, mais il aimait en apprendre sur les sujets qui l'intéressait. Il déposa son dossier sur son bureau, à côté de la bibliothèque, pour s'occuper plus tard, puis fut averti de la présence de Thelma lorsque les flammes vertes surgirent sans prévenir. « Bienvenue. Débarrasse-toi où tu veux, mets-toi à l'aise. Salle de bains, toilettes, ma chambre, chambre d'amis. » Il pointa du doigt les différentes pièces de son appartement d'un air neutre et se débarrassa lui-même de ses affaires inutiles. Il lui tira une chaise, pour quand elle voulait se reposer. « Jus de citrouille, whisky, bièraubeurre ? Qu'est-ce qui te ferait plaisir ? Pendant mes essayages ? Oh, et ça, c'est Rex. » Il posa sa baguette sur la table, mi-sérieux mi-amusé par son boursouflet au duvet bleu électrique qui roulait sur lui-même pour démontrer sa joie au retour de son maître. Lucas quitta la petite brune des yeux pour ranger quelques ustensiles de cuisine qui lui donnaient l'impression que son appartement était dans le chaos le plus total. Il la laissait également prendre ses aises et assouvir ses petits curiosités par rapport à son égard. Mais Lucas ne cachait rien. Sous ses petits airs mystérieux, aucun secret affiché dans son intérieur. Pas de photo, pas de déco, pas de personnalité sur ces murs blancs très lumineux. Lucas se retourna vers elle, la contempla dans sa tête. Il devait se retenir de ne pas la brusquer, de ne pas lui sauter dessus au risque que le sang de la princesse ne se glace et qu'elle redevienne indifférente et imperturbable comme habituellement à son égard. « Je dois avoir une fiole de véritaserum ou un élixir d'euphorie si tu veux davantage t'amuser, ou te libérer, ce soir ... » Les effets puissants de ces potions ne duraient pas longtemps, ce qui pouvaient éviter des catastrophes certaines ...Il afficha un petit sourire en coin, cherchant la joueuse qui était en elle pour repousser voir jusqu'où elle pouvait pousser ses limites.

Elle attendait sa réponse, un sourire amusé accroché à ses lèvres rouges, sans s'écarter de lui. Elle était curieuse Thelma, et surtout elle était joueuse sous ses dehors de reine des glaces. Elle était beaucoup de choses qu'elle ne montrait pas, qu'elle cachait au reste du monde derrière son masque froid et orgueilleux. Elle n'était pas sincère Thelma. Elle mentait comme elle respirait, avec la même aisance, le même automatisme. Le mensonge et l'importance des apparences lui avait été inculqués dès son plus jeune âge et ils s'étaient ancrés en elle, plantés avec des racines si profondes qu'elle ne pouvait pas les arracher. Alors elle jouait avec, les transformait en un bouclier qui l'abritait derrière des murs de glace qu'elle n'abaissait pas, ou peu. Elle agissait comme si la vie n'était qu'une longue pièce de théâtre et elle tenait son rôle à la perfection. Elle jouait la froideur, elle jouait les insensibles mais elle brûlait sous le flot des sentiments. Elle dissimulait ses plaies sanguinolentes et prétendait que tout allait bien pour ne pas paraître faible, pour ne pas sembler avoir besoin d'aide. Elle offrait un mirage gelé aux gens et se cachait derrière. Elle illusionnait le monde et elle même pour protéger son orgueil. Car c'était son orgueil qui lui tenait lieu de courage et de force. C'était par orgueil qu'elle refusait de devenir la marionnette de ses parents pour finir par n'être qu'une pâle copie de sa génitrice. C'était par orgueil qu'elle revendiquait son indépendance et qu'elle voulait clamer au monde entier qu'elle n'était pas qu'une Bulstrode. C'était son orgueil qui la dominait, qui la poussait à revêtir son armure de glace pour ne pas paraître faible. Jamais. Sous aucun prétexte. Et à cet instant c'était son orgueil qui lui faisait quitter sa cuirasse pour participer à ce jeu étrange entre l'auror et elle dans le but d'obtenir la victoire. Car Thelma ne jouait que pour gagner. Et dans ce but elle ne tenait plus son rôle de reine des glaces, oubliait la réserve qui allait avec et révélait l'actrice et non plus le personnage. Sans protection elle se dévoilait au jeune homme homme, peut-être un peu trop, sans même s'en rendre compte. Mais Thelma se sentait libre loin de la mascarade qu'elle jouait habituellement et enivrée de cette liberté elle se sentait vivre. Elle n'était plus l'héritière de la famille Bulstrode, l'héritière d'une fortune colossale, l'héritière au sang-pur. Elle n'était pas Thelma Bulstrode en cet instant mais juste Thelma. Et Thelma se laissait entraîner dans cette danse avec Lucas sans se soucier de trébucher, sans se soucier de ce nom qui lui collait à la peau, sans se soucier de rien, juste pour le plaisir. Le plaisir de participer à ce jeu de séduction et surtout le plaisir de le gagner. Par orgueil encore une fois. Si un jour le monde s'effondrait sous ses pieds nul doute que c'était son orgueil qui lui permettrait de rester droite. Mais c'était aussi son orgueil qui causerait sa chute le lendemain.

Et la belle n'en avait cure en cet instant alors qu'elle se jetait à corps perdu dans cette valse des sentiments, sortant de sa torpeur causée par la froideur de sa façade glaciale. Elle jouait les séductrices, jouait avec le feu en attisant les flammes du désir de l'auror et du sien par la même occasion. Thelma était faite de feu et de glace. Elle montrait l'un, dissimulait l'autre et changeait au grès de ses humeurs, au grès de son orgueil. Ce soir il n'y avait point de froideur, Thelma n'était que feu et flamme. Elle était tout feu tout flamme. Surtout quand l'auror se penchait ainsi à son oreille pour lui susurrer des paroles délicieuses à entendre et qui flattaient son ego. Elle ne s'offusqua même pas de la familiarité de ses mots et se contenta d'un rire amusé, un peu moqueur pour toute réponse. Le retour du tutoiement et leur proximité physique donnait une douce impression d'intimité. Elle aurait presque pu croire qu'ils étaient seuls dans le bâtiment si elle s'était laissée aller. Mais si elle ne se laissait pas aller à croire cette illusion elle se laissait aveugler par d'autres chimères sans en avoir conscience. Elle croyait à ses belles paroles sans imaginer qu'elles puissent être autre chose que la réalité. Parce qu'elle voulait y croire. Surtout quand il prononçait son prénom avec cette voix là. Elle voulait croire l'espace d'une soirée que son nom ne comptait pas et que Lucas ne voyait que son corps et celle qu'elle était en dépit de son nom. Juste le temps d'une soirée. Elle redeviendrait glaciale et intraitable après. Oh il avait vu juste elle n'était pas insensible à ses charmes et elle en profiterait bien volontiers. Peut-être qu'à la fin de la soirée ils se lanceraient ensemble dans une autre danse, plus charnelle, dont ils inventeraient la mélodie au son de leurs soupirs. Mais elle remettait toujours son armure de glace le lendemain. Elle frissonna quand il la frôla pour aller chercher sa cape. Elle ne laissait personne rentrer dans la forteresse qu'elle avait érigée. Pas même ceux qui la faisait frissonner d'un simple contact. Surtout ceux qui la faisait frissonner d'un simple contact.

Elle sourit légèrement et quitta le bureau sans un mot. Elle traversa les couloirs la tête haute et la démarche altière, offrant un sourire poli à ceux qu'ils croisent sans se soucier de leurs regards étonnés face à l'héritière de la famille Bulstrode au sang pur en compagnie du jeune Raventhorn au sang mêlé. Leur surprise lui importait peu, elle était libre de fréquenter qui elle voulait. Les croyances de ses parents n'étaient pas les siennes en dépit de ce que tous semblaient croire. Elle resta silencieuse dans l'ascenseur pour ne pas déranger les sorciers plongés dans leurs parchemins mais visiblement Lucas n'avait pas de remords à les déranger puisqu'il l'interrogea sur son pull. Elle regarda le pull avec un regard évocateur pour toute réponse, faisant ainsi bruyamment soupirer Lucas sans même qu'elle ait dit un seul mot. Une réaction excessive qui lui tira un sourire amusé. Sourire qui se transforma en éclat de rire sincère quand il l'accusa de ne pas avoir de goût. L'espace d'un instant il lui fit penser à son jeune frère Robb avec son manque de foi et sa réplique puérile. Et cela l'amusait. Elle ne prêta aucune attention aux regards offusqués des autres sorciers dans l'ascenseur bien trop occupée à rire. Au fond elle l'aimait bien son pull malgré son manque d'élégance. Quelques minutes plus tard le pull ainsi que son propriétaire disparaissaient, avalés par des flammes vertes alors que celui-ci prononçait son adresse d'une voix claire. La jeune femme pénétra à son tour dans la cheminée, pris une grosse poignée de poudre de cheminette et la jeta dans les flammes en répétant l'adresse de Lucas, s'attirant de nouveaux regards surpris. Elle était sûre que les rumeurs iraient bon train dès demain matin. Ses parents seraient probablement furieux s'ils avaient vent de cette rumeur et cela n'était pas pour lui déplaire.

Elle arriva dans l'appartement du jeune homme avec un sourire amusé et satisfait à la fois. Sourire qui disparût alors qu'elle observait l'appartement du jeune homme avec curiosité. Elle était déçue de voir qu'il était aussi impersonnel que son bureau. La seule chose intéressante était sa bibliothèque qui semblait remplie de livres variés mais elle ne pouvait décemment pas fouiller les étagères pleines de livres pour en apprendre plus sur son cavalier pour la soirée. Elle détacha sa cape et la posa sur la chaise qu'il venait de lui tirer avant de s'asseoir à son tour en regardant le boursouflet bleu avec amusement. Elle profita du moment où il rangeait ses couverts pour regarder à nouveau autour d'elle, dans l'espoir d'en apprendre plus sur son invité à la soirée de ses parents. Mais rien dans le grand appartement ne lui apprenait quoi que ce soit sur son propriétaire. Peut-être que sa chambre contenait des traces de ses secrets mais ici il n'y avait rien qu'une pièce froide et impersonnelle. Pas même la moindre décoration, rien qui puisse donner le moindre indice sur son propriétaire. C'était ennuyant... Mais son ennui ne dura pas longtemps et elle tourna la tête vers lui brusquement. Du véritaserum ou un élixir d'euphorie ?! Il ne pouvait pas être sérieux... Ce serait de la folie de boire une de ces potions avant d'aller à une soirée comme celle à laquelle elle l'avait invité ! Et pourtant le sourire en coin de Lucas laissait penser qu'il était sérieux et qu'il lui offrait réellement ses potions. Elle devait refuser. Elle le devait. Mais ce sourire... Ce sourire était un défi à lui tout seul. Et la jeune Bulstrode était incapable de résister à un défi et elle refusait de passer pour une lâche. C'était plus fort qu'elle. Son orgueil la ferait tomber lourdement un jour, peut-être même ce soir. Mais elle se pencha légèrement vers lui et sourit.

« Je ne dirais pas non à un élixir d'euphorie avec mon jus de citrouille. » Elle avait fait le bon choix, le choix le plus raisonnable qui lui permettait de sauver son orgueil. Être euphorique était plus sage que de dire la vérité au bal des mensonges. Et dire la vérité était dangereux. Elle ne voulait pas qu'il en profite pour lui faire révéler ses secrets. Mais ça ne voulait pas dire qu'elle ne pouvait pas s'amuser elle aussi. Elle était une joueuse et elle voulait gagner ce jeu quitte à repousser ses limites. Mais ça ne voulait pas dire qu'elle ne pouvait pas être la seule. « Je te laisse le véritaserum. A moins que tu ne veuilles partager ton élixir d'euphorie entre toi et moi ? Tu ne voudrais quand même pas que je sois la seule à m'amuser et à me libérer ce soir... ? » Elle haussa un sourcil avec un sourire séducteur. Il avait titillé la joueuse en elle mais maintenant c'était son tour. Et elle n'allait pas le laisser s'en tirer à si bon compte.

Sans même attendre sa réponse elle se leva et se dirigea vers sa chambre. Elle savait qu'il la suivrait. Elle avait vu le regard qu'il posait sur elle. Il la désirait et il voulait jouer tout comme elle. Elle lui lança un dernier regard tentateur avant de rentrer dans la pièce. Après tout elle était venu ici pour l'aider à choisir une tenue pas uniquement pour bavarder et jouer à un jeu dont elle ne connaissait pas les règles même si elle s'amusait beaucoup. Ce jeu de tentation, de séduction ressemblait à une joute verbale ou à une danse. Elle jouait pour le pousser dans ses derniers retranchements, pour dépasser ses limites et pour ne pas s'ennuyer. Et c'était plutôt efficace. Elle ne s'ennuyait pas. Il valait l'attente de presque une heure dans son bureau rien que pour cette raison. Elle regarda autour d'elle mais dans cette pièce non plus il n'y avait rien de personnel. Elle jeta un bref regard au lit avant d'ouvrir son armoire à la recherche d'une tenue de soirée décente.

Elle sortit plusieurs vêtements qu'elle mit sur le lit et lui sourit avec amusement quand il la rejoignit dans la chambre. « Essaye ces vêtements que je vois ce qu'ils donnent sur toi. » Elle n'esquissa pas le moindre geste pour sortir de la chambre. Le jeu allait prendre une autre tournure et son sourire s'agrandit. « Tu as pu réfléchir à ma proposition sur tes potion je suppose. Qu'est-ce que tu en penses? » Elle s'avança vers lui jusqu'à le toucher et elle se haussa sur la pointe des pieds pour murmurer à quelques centimètres de ses lèvres « Tu ne voudrais pas que je sois la seule à me libérer ce soir n'est-ce pas ? » Son expression innocente contrastait avec ses yeux qui l'étaient beaucoup moins. Ils étaient brûlants et révélaient l'envie qu'elle éprouvait. Elle le tentait et elle aimait ça. Elle le tentait pour s'amuser, pour ne pas s'ennuyer et pour se sentir vivante. Elle le tentait pour le pousser à jouer et pour voir jusqu'où il serait capable de repousser ses limites. Elle le tentait pour voir jusqu'à quel point il pouvait résister à la tentation.

Lucas n'était pas un saint, mais il n'était pas diabolique non plus. Il cultivait le plaisir, et le plaisir de se faire plaisir. Il faisait tout simplement ce dont il avait envie. Il aimait les femmes, peut-être un peu plus qu'il ne le devrait. Il devrait s'en contenter d'une seule, et la faire sourire jour après  jour. C'est du moins ce que sa soeur n'arrêtait pas de lui répéter lorsqu'il se voyait. Il avait une attitude déplaisante, dégradante et égoïste. Lucas avait haussé un sourcil, depuis quand son plaisir charnel était remis en cause ? Il n'obligeait personne à l'accompagner dans ses draps ... Il n'obligeait personne à le suivre jusque dans son lit. Il faisait ça par envie, par culte de la beauté et de l'éphémère. Il ne voulait pas d'une vie de famille bien rangée. Il était adepte des nouveautés, d'exotisme et de prises de risque. Il aimait son train de vie actuel. Il n'avait pas rencontré la femme, encore, qui lui retournerait la tête ou le cœur, ou les deux à la fois. Celle qui le mettrait à genoux, celle qui lui donnerait envie de laisser passer ses besoins avant les siens ... Il connaissait peut-être cette personne, qui saurait le combler à elle seule. Elle n'était tout simplement pas disponible. Mais Lucas ne se morfondait pas. Personne n'était unique, personne n'était irremplaçable. Il saura trouver une alternative à cette réponse. Il saura trouver une astuce pour se complaire dans sa vie. L'alcool ? Non, il ne voulait pas paraître si misérable. La drogue ? Et gâcher son si joli minois ? L'adrénaline ? Il avait déjà essayé, mais il lui fallait toujours plus. Et Lucas n'était pas téméraire, ni atteint de folie. Non, lui, il avait trouvé Maeve. Sa solution alternative. Son poison doucereux. Il en ferait bien une overdose si elle le laissait faire. Mais Maeve n'est pas du genre compatissante. Elle n'est pas du genre à écouter ses revendications. Elle n'était pas du genre à s'intéresser à lui non plus. C'était leur truc. Ils s'émotionnaient simplement, ils se défoulaient charnellement, ils se rhabillaient rapidement. Et à la semaine prochaine. Lucas en voulait plus. Mais il est avide. D'elle. De responsabilités. De belles choses. De belles femmes aussi.
Depuis un moment, c'est Thelma qu'il avait dans le viseur. Elle était belle. Derrière ses apparences de princesse de glace, coincée et intraitable. Ses compliments répétés, sous-entendus vaseux et sa courtoisie professionnelle l'avaient finalement atteinte. Plus qu'il ne l'avait imaginé, même. Il avait pensé abandonner plusieurs fois en vue de son attitude neutre. Il avait pourtant cru voir ses lèvres frémir et se pincer. Mais il le prenait plus pour un jeu que pour une potentielle conquête. C'était une femme intéressante qui avait des choses à dire. Plus qu'une Bulstrode, plus que son sang. Les histoires de famille étaient toujours trop sales. Lucas préférait en faire abstraction, et ne garder que le jeu. Ce jeu auquel il avait joué en solitaire comptait à présent une nouvelle joueuse. Inconsciente que son adversaire était passé maître en art de séduction. Inconsciente que l'importance n'était pas de perdre ou de gagner. Inconsciente qu'il ne lui apporterait rien. Au final, elle avait juste son attention tant qu'il pouvait encore être captivé par la belle. « Je ne dirais pas non à un élixir d'euphorie avec mon jus de citrouille. » Ce nouveau niveau l'intéressait. Elle avait choisi la facilité. Une potion euphorique, et un boisson d'enfant. Il ne fit pas de commentaires, mais lui rendit son sourire. Le jeune homme lui servit sa commande dans un verre en cristal. Il ouvrit une malle sur sa table de travail, et en sortit deux fioles étiquetées. Un coup d’œil vers son pauvre stock lui indiqua qu'il serait bientôt temps pour lui de se remettre derrière ses chaudrons. Il fallait qu'il soit préparé au cas où il en avait besoin. « Je te laisse le véritaserum. A moins que tu ne veuilles partager ton élixir d'euphorie entre toi et moi ? Tu ne voudrais quand même pas que je sois la seule à m'amuser et à me libérer ce soir ... » Son sourire séraphin dévoila ses quenottes alors que la jeune fille s'enfuyait. Avait-elle pris peur en s'apercevant qu'il voulait la manger toute crue ? Lucas en doutait, elle devait connaître ses intentions si elle était rentrée dans la partie ... Elle prit d'assaut sa chambre. Pièce sombre qui abritait en ses murs les multiples souvenirs de ses conquêtes passées. Cette pièce est versatile, capricieuse et informelle. Son lit est défait, sa garde-robe mal rangée. Elle fouille, mais ne trouvera rien, quoiqu'elle cherche. Ses secrets sont bien gardés, et il n'avait pas besoin de les exposer publiquement chez lui pour les savoir en vie. Il n'était pas de ceux qui affichaient sa vie sur ses murs. Il préférait ne pas s'afficher du tout, et ne vivre que par rumeurs incertaines, les on-dits.

Le jeune homme se sert un whisky on the rocks et la suit dans son appartement. Le verre de dame flotte derrière lui et le dépasse pour se poser sur la table de chevet, avec un sous-verre. Il est curieux de la suivre, de voir ses réactions. Il reste dans le cadre de sa porte et ne peut détacher ses pupilles de sa chevelure brune. Elle est sûre d'elle, elle semble légère, virevoltante, heureuse. Elle semble épanouie, aussi. Il lui avait suggéré un objectif et voilà qu'elle s'éprenait de cet objectif. Les yeux pétillants, elle fit volte-face, jeta ses affaires sur son lit. « Essaye ces vêtements que je vois ce qu'ils donnent sur toi. » Elle souriait, l'ingénue. Elle ne bougea pas. Lui non plus. Il rompit cette petite attente en portant enfin son verre à ses lèvres. Il hume le liquide et inhale les vapeurs. Ses papilles préparées, une gorgée lui suffit à dissocier les différents arômes sur son palais. Le caramel, la vanille, les épices. Ce feu descend lentement dans sa gorge jusqu'à son estomac, Lucas savoure. Il finit par poser son verre sur sa table de chevet sans regarder les tenues. Elle s'approche de lui. Elle ose. « Tu as pu réfléchir à ma proposition sur tes potions, je suppose. Qu'est-ce que tu en penses ? » Son timbre de voix fut moins audible. Si elle s'éleva sur ses pointes, Lucas baissa le regard vers elle. « Tu ne voudrais pas que je sois la seule à me libérer ce soir, n'est-ce pas ? » Il la fixa et tendit mécaniquement une main vers elle pour lui présenter les deux fioles. L'une contenait l'euphorie, l'autre la vérité. « Je te laisse le choix simple, je n'ai pas peur de la vérité. » Il aurait pu croiser les doigts derrière son dos, mais il voulait simplement la titiller davantage. Elle était proche, vraiment trop proche, et elle ne se rendait pas compte qu'elle l'avait menée dans son repaire ? Thelma feintait l'innocence, et Lucas sourit. Ses pupilles dilatées par l'envie, par le jeu, par le désir se posèrent dans ses yeux. Il avait envie de la bouffer. Cette fausse candeur, cet angélus sourde. « Une vérité, c'est que je n'ai pas besoin de cette potion. Je peux être sincère. J'ai envie de toi. » Le jeune homme leva les bras vers l'ancienne serdaigle et au lieu de l'attraper par les hanches, comme il le fantasmait, il retira son pull de Noël, dévoilant un t-shirt blanc simple. Il l'ôta également. Il n'était pas pudique, Lucas. Ça ne le dérangeait pas de se trouver à moitié nu dans sa chambre, en compagnie d'une fille. Une fille qu'il fixait avec l'appétence d'un loup. « Que dirais tes parents, si tu ne te montrais pas à cette fête ? » Une simple question qui la ferait forcément réfléchir à l'idée d'occuper son temps. Elle n'allait certainement pas s'ennuyer, et n'aurait pas besoin d’élixir d'euphorie non plus. « Après tout, tous les moyens sont bons pour contrarier tes parents, non ? »
Le jeune auror se rapprocha du lit et s'y assit. Il reprit possession de sa boisson et s'y abreuva une nouvelle fois, toujours aussi lentement. Il fallait que l'alcool reste sur ses papilles un instant, pour qu'il puisse dissocier les essences. Le whisky se buvait avec lenteur pour goûter la qualité, comme les préliminaires. Cette chambre s'était enflammée. Les degrés devaient exploser le thermomètre alors que Lucas saisit enfin l'une des pièces choisies par la jeune fille. Une chemise qu'il enfila sans même la reconnaître. Il releva les yeux vers elle tout en refaisant ses boutons un par un. Ce strip-tease inversé lui donnait envie de s'arracher tous ses vêtements. Sa peau était dérangée de porter des vêtements, il avait chaud. Il s'imagina le contact de leurs corps fiévreux, la douceur de sa peau porcelaine, le goût fruité de ses lèvres roses. Il retira ses chaussures, puis son pantalon. Se retrouver en boxer devant la jeune demoiselle le fait peut-être un peu rougir, étonnamment. Il s'empresse d'enfiler le pantalon choisi avec davantage de hâte, et finit par passer la cape. « Alors ? » Temps de pause, même si son sourire s'élargit plus que de raison. « Je parie que tu n'aimes pas, et que tu veux voir la seconde tenue ? Mais tu sais, rien ne serait plus en accord avec une soirée de Noël qu'un pull de Noël. Recommande cette idée pour l'an prochain. » Attitude sérieuse, l'air entendu. Lucas ne jure pas dans ce costume. Il a l'impression d'être habillé pour recevoir un prix, mais c'était comme ça, chez les riches. Personne ne pouvait porter ce qu'il voulait. Le bal des apparences, où Lucas se rendrait pour dévoiler les vérités que tout le monde murmurait tout bas.

Thelma n'avait jamais vraiment su quelle dimension donner à sa relation avec le jeune Raventhorn. Si tant est qu'on puisse appeler ça d'une relation. Ils n'étaient pas amis ni ennemis. Ils n'était pas proches mais ils n'étaient pas non plus de simples connaissances. A Poudlard ils se parlaient à peine même si elle le connaissait de nom et de réputation. Après tout il était difficile de passer sept ans à vivre dans le même endroit que quelqu'un sans le connaître au moins un peu. Mais elle ne s'était jamais particulièrement intéressée à lui. Elle était bien trop occupée à travailler et à se plonger dans ses livres pour s'intéresser à un garçon. Et lui était bien trop occupé à se battre avec les autres élèves pour se préoccuper d'une élève trop sérieuse. L'intellectuelle et le bagarreur. Bien trop différents. Incompatibles. Et plusieurs années plus tard c'était toujours le cas. Mais leur relation avait changé. Le bagarreur était devenu auror et l'intellectuelle juriste. Et leurs rapports avaient changé du tout au tout. Leurs métiers respectifs les avaient amenés à se côtoyer plus souvent et il n'était pas rare qu'ils se croisent dans les couloirs. A chaque fois Lucas lui adressait un compliment et lui faisait du rentre-dedans et à chaque fois elle le repoussait avec une froideur dédaigneuse en faisant semblant de ne pas comprendre ses sous-entendus plus qu'explicites. Et pourtant elle n'était pas insensible à ce petit manège. De plus il était attirant et c'était d'autant plus flatteur. Parfois elle retenait difficilement un sourire qui serait venu craqueler son masque de glace si elle l'avait laissé fleurir sur ses lèvres. Même si elle ne lui l'avouerait jamais si un jour il arrêtait ses attentions elle en serait attristée. Alors comment qualifier cette relation ? Si Thelma n'avait jamais vraiment su quelle dimension lui donner, à cet instant, alors que son regard était plongé dans le sien et ses lèvres à quelques centimètres des siennes, elle pouvait tout à fait ajouter une dimension sexuelle à cette relation inqualifiable.

Elle jouait avec le feu elle le savait. A force de trop vouloir le tenter comme elle le faisait en cet instant c'était elle qu'elle finissait par tenter. Elle allait succomber à son propre piège, patiemment construit pour lui. Déjà elle regrettait son geste alors que son regard venait errer sur les lèvres de l'auror. Elle n'avait jamais prévu de laisser les choses atteindre ce niveau avec Lucas et encore moins envisager d'aller plus loin. S'offrir un tour sous ses draps serait simple et probablement satisfaisant mais le revoir ensuite jour après jour le serait beaucoup moins. Ses aventures avaient toujours lieu avec des hommes qu'elle était sûre de ne pas recroiser après le premier soir, ou alors qu'à de très rares occasions. Elle ne cherchait pas de relations suivies et encore moins à s'engager. Ce serait complètement stupide alors qu'elle était une Bulstrode ce qui impliquait des parents qui croyaient fermement aux avantages des mariages arrangés. A quoi bon prendre le risque de s'amouracher de quelqu'un si c'était pour finir le cœur brisé, engagée auprès d'un autre ? Elle préférait fermer son cœur et passer à côté des bonheur de l'amour pour éviter de souffrir plus tard. Alors Thelma fuyait tout ce qui pouvait s'apparenter de près ou de loin à une relation qui porterait à conséquence et se contentait de prendre le plaisir là où elle le trouvait. Passer une nuit dans le lit de Lucas aurait forcément des conséquences. Si leur désir était assouvi alors il n'aurait plus d'intérêt pour elle ni elle pour lui et leur étrange relation qu'elle était venue à apprécier disparaîtrait. Si leurs désirs ne s'en trouvaient pas rassasiés alors il serait simple de succomber à nouveau à la tentation puisqu'ils se voyaient au moins cinq jours par semaines. Ce serait tellement facile de s'offrir une nouvelle nuit ensemble puis une autre et encore une autre jusqu'à se débarrasser de leur désir mutuel, renforçant chaque fois un peu plus leur lien. Et finalement ils finiraient par entamer une véritable relation qui volerait en éclats au moment où les parents de Thelma aurait trouvé à quel sang-pur la marier. C'était des conséquences bien trop lourdes pour la jeune Bulstrode qui refusait de souffrir. Mais en cet instant elle n'y pensait pas alors qu'elle se demandait s'il allait enfin l'embrasser, telle une adolescente face à son premier amour.

Mais ses lèvres, plutôt que de s'écraser sur les siennes dans un baiser passionné, s'ouvrirent pour laisser échapper des mots à sa plus grande déception. Déception qui ne fût pas compliquée à masquer puisque la colère la remplaça rapidement. Le choix simple ? Il osait insinuer qu'elle manquait de courage uniquement parce qu'elle n'avait pas choisi la fiole de véritaserum ? Comment osait-il ? Ses yeux lançaient des éclairs alors qu'elle était piquée dans son orgueil. Elle brûlait d'envie de lui rabattre le caquet pour lui faire perdre ce ton supérieur et venger sa fierté outragée. Elle résista difficilement à l'envie de lui arracher les deux fioles des mains et ajouter quelques gouttes de véritaserum dans son verre de jus de citrouille. Trois gouttes suffiraient à ce qu'elle lui avoue tout ce qu'il voulait savoir sur elle, sur sa famille, sur son travail... Et elle ne pourrait pas l'en empêcher. Elle avait déjà vu les effets de cette potion à l’œuvre et elle n'en avait aucune envie d'en faire les frais, même si son orgueil en pâtissait. Gagner la guerre était plus important que gagner une simple bataille. Alors elle ravala son honneur bafoué qui voulait sa revanche et étouffa les flammes qui brûlaient dans ses yeux pour revêtir son masque de froideur. Intraitable, implacable, incorruptible. La reine des glaces dans toute sa splendeur, prête à livrer la prochaine bataille. Elle ne boirait pas cette potion de son plein grès. Il avait trouvé une de ses limites. A elle de trouver une des siennes. Ce n'était qu'un jeu après tout.

Son attitude froide ne dura pas alors qu'un sourire flatté et un peu moqueur vint étirer ses lèvres. Il ne faisait que dire une vérité qu'elle connaissait déjà, qu'elle pouvait lire dans ses yeux. Ce n'était en rien un aveu. Ce n'était en rien mesurable à ce qu'il pourrait dire sous l'effet du véritaserum. Elle était sûre qu'il avait plus de secrets qu'elle. Des secrets plus sombres, des secrets qu'il voulait préserver. Il n'avait pas plus envie qu'elle de boire du véritaserum. Avec une assurance renouvelée elle le regarda enlever son pull puis son t-shirt. Sans la moindre gêne elle fixa son torse finement musclé, le dévorant du regard. Sa question lui tira un sourire amusé sans qu'elle détache ses yeux de son torse. Il serait tentant de ne pas y aller, de rouler dans les draps défaits avec Lucas et d'oublier le reste du monde le temps d'une nuit. Elle se représentait déjà leurs corps s'entremêler en même temps que leurs souffles brûlants. Elle s'imaginait le goût de sa peau. Elle rêvait le contact de sa peau chaude contre la sienne. Elle les voyait s'unir encore et encore dans cette chambre impersonnelle jusqu'aux premières lueur du jour. Serpentard et Serdaigle. Sang-mêlé et sang-pur. Raventhorn et Bulstrode. Lucas et Thelma. Elle n'aurait pas à supporter la soirée ennuyeuse de ses parents, les mensonges des convives, le jeu des apparences... Juste elle et lui satisfaisant leur désir. Mais elle voulait voir la tête de ses parents en la voyant arriver au bras de Lucas, elle voulait savourer le choc de ses géniteurs et de leurs invités, elle voulait bouleverser leurs attentes et les écraser sans remords. Et elle ne se priverait pas de ça pour une nuit de plaisirs charnels aussi tentante soit-elle. Comme il l'avait si bien souligné tous les moyens étaient bons pour contrarier ses parents. Et la voir à leur soirée au bras d'un sang-mêlé les contrarierait bien plus que de ne pas la voir du tout.

Elle le regarda s'asseoir sur son lit sans un mot en l'observant avec envie. Elle avait chaud mais elle n'en laissa rien paraître alors qu'il enfilait une chemise sans même la regarder. Elle le préférait sans vêtements mais elle garda cette pensée pour elle. Elle sourit avec amusement en voyant ses joues devenir légèrement rouges alors qu'il se retrouvait en boxer, exposé à son regard. En bonne âme charitable elle fît semblant de ne rien avoir remarqué alors qu'elle regardait sa tenue d'un œil critique. Il était définitivement mieux sans ses vêtements. Mais le costume lui allait bien et mettait bien mieux son corps en valeur que son pull de Noël. Ce qui n'avait rien de bien compliqué. Cependant la tenue n'était pas idéale pour la soirée à laquelle ils devaient se rendre et cela devait se lire sur visage puisqu'il devina qu'elle ne l'aimait pas. Elle haussa un sourcil à sa suggestion de porter des pulls de Noël. Elle s'imagina les invités de ses parents, si imbus d'eux même et hautains, vêtus de pulls du même genre que celui de Lucas et un rire franchit ses lèvres. Ce serait franchement ridicule mais drôle à observer.

« Pourquoi ? Tu comptes me servir à nouveau de cavalier l'an prochain pour avoir l'occasion de porter ton pull devant mes parents et leurs invités ? » Elle n'attendait pas de réponse à cette question prononcée d'une voix moqueuse. Aussi elle s'avança vers lui et lui tourna autour, tel un prédateur autour de sa proie, en le frôlant légèrement « Mais tu as raison. Je n'aime pas ta tenue même si le costume tu vas bien. Essaye plutôt l'autre. » Elle s'assit à son tour sur le lit du jeune homme en prenant son verre de jus de citrouille. « Je pense qu'elle t'ira mieux même si elle ne sera pas aussi en accord avec Noël que ton pull. Mais tu dois être à ton avantage si tu veux que la soirée te soit profitable pour ta carrière et pour ta réputation. Et si tu penses que contrarier mes parents est mon but alors sache que me voir au bras d'un sang-mêlé aussi bien habillé qu'un sang-pur les dérangera plus que si tu venais avec ton pull de Noël. Ils n'auront pas de raison de te mettre à la porte et devront supporter ta présence à mon bras toute la soirée. »

Elle bût une gorgée de son verre, savourant le goût de sa boisson qui lui rappela son enfance à Poudlard, et elle croisa les jambes, faisant ainsi remonter sa robe sur ses cuisses laiteuses. Il n'y avait pas de raisons pour qu'elle soit la seule à profiter d'une belle vue après tout. A son tour de ressentir un peu de l'envie qu'elle avait éprouvé en le voyant à moitié nu. A son tour de se sentir troublé devant ces parcelles de peau exposées sans fausse pudeur. « Puisque tu as été sincère avec moi je vais l'être aussi. Tu as raison je veux contrarier mes parents et c'est pour cette raison que je t'ai invité ce soir. Tu représentes tout ce qu'ils méprisent et te voir au bras de leur fille aînée leur déplaira ce qui me comble d'avance. Mais il s'avère que j'ai également envie de toi ce qui rendra la soirée plus intéressante. »

Elle se leva et se rapprocha de lui pour prendre les fioles des potions et elle lui tendit le véritaserum. Il avait gagné la dernière manche avec cette potion. A elle de remettre les scores à égalité maintenant. S'il refusait de la boire alors il ne serait pas plus courageux qu'elle en prenant le choix simple. Et s'il acceptait elle pouvait lui faire révéler tous ses secrets.Dans les deux cas elle était gagnante, qu'il repousse ses limites ou qu'il s'incline tout comme elle. Et elle savourait déjà son triomphe.

« Mais rendons la encore plus intéressante. Puisque tu n'as pas peur de la vérité et que tu n'as pas besoin de cette potion pour être sincère tu ne risques rien à en prendre quelques gouttes n'est-ce pas ? » Son sourire était l'innocence même mais le message dans ses yeux était très clair alors qu'elle le défiait du regard. Fais le si tu l'oses. Essaye donc de prouver que tu es meilleur que moi.

Cette soirée prenait un tournant plutôt inhabituelle pour le jeune homme. Lui qui pensait simplement s'endormir sur son canapé en cuir tout en lisant sa dernière acquisition. Un livre qui concernait la puissance magique des runes anciennes. Un livre qui l'intéressait et qui le fascinait. Mais le voilà que son attention était concentrée sur une autre dimension du pouvoir. Un pouvoir non magique, un pouvoir qui s'obtenait par la famille, le sang, la lignée. Le pouvoir des élites pouvait le mener plus loin dans sa carrière d'auror. Il pouvait le mener plus loin dans ses ambitions ; l'aider dans ses aspirations. Être un auror ne lui suffisait plus. L'obstacle Potter lui pompait l'air et il voulait découvrir des horizons nouveaux. Accompagner Thelma lui donnait accès à ces élites, et à leur pouvoir, leur influence. Qui sait, il allait peut-être être promis à quelque chose de plus grand, ce soir. Peut-être quelque chose de plus mystérieux, de plus secret. Et Thelma, bien que machiavéliquement délicieuse, ne lui donnerait pas de deuxième chance auprès de ces convives, comme elle venait de l'insinuer. « Pourquoi ? Tu comptes me servir à nouveau de cavalier l'an prochain pour avoir l'occasion de porter ton pull devant mes parents et leurs invités ? » Il haussa les épaules malgré tout. Un fin sourire étira ses lèvres et une perle de malice brilla dans ses yeux félins. « Je ne peux pas te promettre dès à présent, d'être disponible l'an prochain pour t'accompagner ... Comme tu dis, ma carrière peut évoluer, et il se pourrait bien que l'on finisse par oublier mon sang et ma réputation, un jour. »  Il était promis à quelque chose de plus grand. Il le sentait, il le voulait, il y aspirait. Il était trop maniaque pour ne pas en faire quelque chose, trop perfectionniste pour s'arrêter au pied de cette perfection, trop orgueilleux pour ne laisser aucune trace de lui, pour n'avoir aucune influence sur cette société gangrenée, frelatée, factice. Il se sentait avoir les épaules pour mieux faire. Il voulait le tenter. Essayer. Avoir une chance de le faire, l'opportunité pour y prétendre. Être à la bonne table, avec les bonnes personnes, puisqu'il avait un jeu intéressant à proposer ... Il frémissait d'impatience à l'idée de s'afficher. A moins que ça ne soit la jeune fille qui lui faisait de l'effet ... ?

« Mais tu as raison. Je n'aime pas ta tenue même si le costume tu vas bien. Essaye plutôt l'autre. » Il aima l'idée d'avoir raison, et en même temps il n'avait aucun mérite. Il aurait également choisi de la faire se déshabiller une deuxième fois s'il en avait eu l'occasion. Elle désirait s'infliger ce plaisir visuel, sans profiter de son sens du toucher. « Je pense qu'elle t'ira mieux même si elle ne sera pas aussi en accord avec Noël que ton pull. Mais tu dois être à ton avantage si tu veux que la soirée te soit profitable pour ta carrière et pour ta réputation. Et si tu penses que contrarier mes parents est mon but alors sache que me voir au bras d'un sang-mêlé aussi bien habillé qu'un sang-pur les dérangera plus que si tu venais avec ton pull de Noël. Ils n'auront pas de raison de te mettre à la porte et devront supporter ta présence à mon bras toute la soirée. » Toute la soirée ? Cela lui semblait une éternité quand il avait simplement envie de se laisser aller à ses envies primaires. Se contenir toujours était exténuant, et il était las de ne pas pouvoir. Comme un enfant sous le regard sévère de ses parents. Mais Lucas, il voulait être insolent, indécent et impudent ... Il ne voulait réagir que par ses sens, et ne plus utiliser sa tête qui le martelait sous les critiques, lui demandant de la retenue. Le jeune homme se retient de faire un commentaire, et retire simplement sa cape et son haut. Il tourne ensuite autour du lit pour étancher sa frustration. Et il voit sa robe qui remonte légèrement, dévoilant sa peau de porcelaine. Petite poupée. Elle a chaud. Elle suffoque de ce torrent d'hormones qui la traverse et l'assiège. Il pourrait les affoler, juste une seconde. « Puisque tu as été sincère avec moi je vais l'être aussi. Tu as raison je veux contrarier mes parents et c'est pour cette raison que je t'ai invité ce soir. Tu représentes tout ce qu'ils méprisent et te voir au bras de leur fille aînée leur déplaira ce qui me comble d'avance. Mais il s'avère que j'ai également envie de toi ce qui rendra la soirée plus intéressante. » Pendant une seconde, il pense à la faire taire. Un baiser aurait suffi. Un contact pour que s'unissent enfin leurs deux carcasses brûlantes. Qu'ils scellent cette envie par un baiser, qu'ils succombent à ce désir transversal qui martèle leurs petites têtes d'inconscient. Deux humains stupides qui ont la faiblesse de se sentir seuls, d'avoir besoin de quelqu'un d'autre pour exister et pour profiter de leur existence misérable dans ce monde qui ne tournait pas rond. La douce saveur de l'interdit, et la curiosité pour cette saveur qui se meure, sans possibilité d'intriguer à nouveau. Elle avait raison, la douce Thelma, la soirée serait nettement moins intéressante, nettement moins électrique. Il enfila la deuxième tenue sans broncher. « Mais rendons la encore plus intéressante. Puisque tu n'as pas peur de la vérité et que tu n'as pas besoin de cette potion pour être sincère tu ne risques rien à en prendre quelques gouttes n'est-ce pas ? » Elle lui tend les flacons, sûre d'elle. Elle pense qu'il va reculer ? Il n'a plus vraiment le choix, il est face au vide. Le choix qui s'offre à lui est simple. Il saisit la plus petite fiole des deux, la débouchonne et hume son contenu. Inodore. Le jeune homme lève le coude pour un toast improvisé. « A cette soirée potentiellement intéressante, dans ce cas. Puissent tes parents me haïr afin de combler ton cœur de glace. Et ces fioles nous apporter un semblant de liberté et d'impudicité. » La débâcle de ces sentiments exacerbés par le temps, la colère et l'ennui. Il porte l’élixir à ses lèvres ; une, deux trois gouttes. Il déglutit, rebouchonne la fiole et la pose sur sa table de chevet. Le jeune homme se rince le gosier avec une gorgée de whisky bien que le liquide soit également insipide. Il a déjà été testé au Veritaserum bien sûr, dans sa formation d'auror. En théorie, il sait contrer l'efficacité de la potion, mais étant donné qu'il s'était mis lui-même dans cette position, il n'avait pas à craindre les retombées. Il était simplement curieux de savoir ce que la belle allait lui demander de révéler. Ses secrets ? Encore fallait-il savoir où chercher. Ses intentions ? Elles étaient connues et exposées. Ses mystères ? Ils ne porteraient plus cette appellation, s'ils étaient révélés. Lucas la défia du regard. Non, il ne se sentait pas en danger. Peut-être était-il inconscient, ou peut-être n'avait-il tout simplement rien à cacher. Rien d'intéressant. Lucas était une belle gueule, avec une belle ambition, sans passé noirci par des actes terribles. Il était le genre de mystère translucide, de porte verrouillée que tout le monde cherchait à ouvrir, sans n'avoir ni clé ni serrure. Un mystère translucide dont on avait jamais trouvé le sens de lecture ; on restait coincé avant même de commencer à chercher.