Quelques années plus tôt, Hermione aurait été une des premières sorcières à aller manifester aux côtés des gobelins. Elle avait toujours été une fervente défenseuse des droits des créatures, surtout celles dotées de parole. La défense des droits des elfes de maison avait été l'un de ses premiers combats au sortir de la guerre. Depuis sa défaite à l'élection de ministre, Hermione n'était plus si virulente, plus si engagée. Il lui semblait que le monde s'écroulait peu à peu autour d'elle, même si elle essayait de garder les morceaux collés entre eux. C'est pour cela qu'elle consolait tant bien que mal sa fille Rose de sa rupture avec le fils Malefoy, pour cela aussi qu'elle avait tenté de contacter Harry après l'affaire Morgana Hackett, pour cela qu'elle avait essayé de raisonner Ron et encore pour cela qu'elle voulait pousser Ginny vers l'avenir. Pour cela aussi qu'elle continuait chaque jour d'arpenter les couloirs du département de contrôle et de régulation des créatures magiques au ministère, souriant et disant bonjour à tout le monde. Elle faisait bonne figure mais elle était en réalité lasse. Lasse de s'être battue toute sa vie comme une lionne, lasse aussi de voir Ron sombrer dans une sorte de dépression qu'il essayait de cacher. Elle avait envoyé des lettres à Harry en espérant qu'il lui réponde, qu'il s'explique. Elle avait essayé de ne pas le juger mais c'était si difficile sachant qu'il avait détruit pas mal de chose sur son passage.

Bref, elle n'était pas allée manifester avec les gobelins, se contentant de suivre la retranscription sur la télévision (elle avait du mal à appeler ça une boîte à images comme le disaient les sorciers). Elle était seule chez elle, Ron s'étant encore absenté sans dire où il allait. Son fils Hugo faisait sa vie, Rose avait décidé de se rendre à la manifestation. Hermione n'y avait vu rien de dangereux pour une jeune femme de vingt-cinq ans. Elle resta captivée devant la télévision lorsque la femme fit son apparition. La Fraternité. Elle ne pouvait s'empêcher de repenser aux mangemorts, à leur silhouette encapuchonnée et leur visage masqué. Hermione fronçait déjà les sourcils et son cerveau fonctionnait à toute allure pour comprendre, lorsque quelque chose vint tout court-circuiter. Une obscura venait de filmer une des affiches en gros plan. On reconnaissait clairement le corps inanimé de Drago Malefoy, Harry Potter et Magnus Reed à ses côtés. Hermione sursauta et ne put retenir un cri d'effroi, ses mains venant cacher le O que formait sa bouche. Elle ne put rien dire d'autre et se releva vivement de son canapé en voyant à travers la télévision que cela tournait au vinaigre, là-bas. Elle posa ses mains sur l'appareil comme si cela l'aiderait à passer au travers, mais resta impuissante dans son salon. Les pensées fusaient dans son esprit. Harry, mais qu'as-tu fait ? venait en premier, suivi de ROSE ! Où es-tu ma Rose. Elle pensait en même temps à son mari qui n'était pas là, à Ginny et à ses enfants, à Scorpius qui devait être dévasté. Elle avait tellement confiance en Harry. Lui qui avait été clément avec les Malefoy, lui qui avait été si juste autrefois. Elle ne pouvait croire qu'il avait fait cela sous les ordres du ministère, donc sous les ordres de Fawley. Celui contre qui elle-même, Hermione, sa meilleure amie depuis toujours, avait perdu lors d'élections scandaleuses. Elle ne savait pas encore si tous ces événements entraînaient en elle un profond accablement ou un regain d'énergie. Elle se mit à tourner en rond dans le Terrier, secouée de sanglots incontrôlables. Elle savait qu'il n'était pas intelligent de transplaner dans la foule pour y chercher Rose. Peut-être qu'Hugo s'y trouvait aussi, elle ne savait pas.

Elle attendit une heure, peut-être deux, quand enfin elle entendit la porte claquée. Elle avait le visage rougi par les pleurs mais essuya les dernières larmes d'un revers de manche avant de se précipiter à l'entrée : « Rose ma chérie ! Oh ma Rose tout va bien ?! »