Marchant d'un pas vif, j'arpentais une ruelle sombre et désaffectée. Seul le bruit de mes talons, battant le sol pavé, résonnait dans l'immensité des ténèbres ayant pris possession de l'allée. Mon regard noisette ne fixait que l'horizon, droit devant. M'engouffrant dans l'obscurité, j'apercevais au loin de la clarté. L'unique lueur de tout le quartier. Un rayon de lune tentait de percer la noirceur, en vain. Mes pas se firent de plus en plus lent jusqu'à ce que je me stoppe dans ma lancée. Examinant minutieusement la demeure qui se trouvait face à moi, je lâchais un soupir qui se perdit dans le mutisme ambiant. Contournant la bâtisse, j'arrivai par l'arrière de la taverne. L'entrée du personnel, voilà le rêve que j'étais en train de vivre. Machinalement, j'avançais, je respirais, tentant de vivre comme je le pouvais. Je m'étais accommodée à la situation, par obligation. Ma cape glissa doucement le long de ma peau jusqu'à toucher le sol froid. Je frissonne lorsque l'air frais caresse ma peau partiellement dénudée. Je tournais mon visage, ne m'attardant pas sur mon reflet. L'époque où j'arborais, avec fierté, l'écusson de préfète est révolue. Des regrets, voilà tout ce qu'il me reste. L'uniforme vert et argent avait fait place à une robe semblable à un morceau de tissu ébène agrémenté de reflets bronze, dévoilant uniquement ce qui nourrissait les désirs de la gente masculine. Bien assez pour alimenter leur fantasme lugubre. Objet de tentation, tel était mon travail. Ramassant mes pensées et le restant d'estime que je possédais, je tâchais de mettre en valeur ce pourquoi j'étais là. D'un geste sec, j'ouvris la porte me séparant des ténèbres, de l'enfer qui me consumait un peu plus chaque jour. Damnée à errer telle une âme en peine, je me chassais ces idées sombres, arborant un sourire radieux. Rapidement, je repris le rythme qui était le mien. Un plateau posé sur l'avant-bras, j'essayais d'apporter les commandes à une allure vive, satisfaisant, par la même occasion, les désirs bestiaux de ces messieurs. Mes courbes n'avaient de cesse d'être admirées, sifflées, touchées. Un sentiment de dégoût m'envahissait, jusqu'à devenir étouffant. Je m'empressais de ramener une commande, le plus loin possible de ces hommes pervertis par des croyances odieuses. Perdue dans un monde meilleure que l'actuel, j'entendis mon prénom résonner, comme un écho sans réponse. Une voix douce et suave dont le son résonnait à mes tympans comme une mélodie coutumière. Un regard échangé suffit à me déstabiliser. Les traits de la brune me renvoyèrent à un passé que j'avais piétiné ouvertement. Un temps révolu, que j'essayais de ne jamais ramener auprès de moi tant la plaie était douloureuse. Mais elle était là, avec ses traits raffinés, sa chevelure soyeuse, son air angélique semblant assombri. Asmodée n'avait pas l'air aussi radieuse qu'elle put l'être par le passé. Mon esprit fut envahi de questionnements aussi variés que l'on puisse l'imaginer. Réduisant l'écart qui nous séparait, je sentais la honte monter dès que mon pied foulait le sol. L'échec résonnait en moi plus que jamais. Asmodée, ça n'est pas un lieu pour une femme de ton rang, rentre chez toi je t'en prie. Dans quel état était-elle ? Ca n'est certainement pas celui d'une femme respectable et respectée. Mais qui suis-je pour juger, étant moi même peu vêtue, aguichant le moindre portefeuille débordant de gallions ? L'inquiétude se lisait sur mon visage, rivales par le passé, cela avait eu le don de rendre ma scolarité passionnante, je lui devais, en partie, mes souvenirs les plus glorieux. Mon coeur saigne alors même que je repense à une vie qui semble si lointaine.