Les pas hésitants de Rose se mélangeaient aux trottoirs humides et salis. Avançant puis reculant, son esprit indécis semblait prendre le dessus sur ses actions, s'abandonnant une nouvelle fois aux incertitudes qui avaient le don de la faire douter. L'air frais de la capitale semblait lui caresser doucement l'échine tandis que son regard ne se détachait pas de l'immeuble où elle avait séjourné tant d'années. Des années où elle avait aimé, où son coeur s'était mêlé à un autre dans une passion qui n'avait su faillir. Qui n'avait su, mais qui s'était auto-détruite. D'une manière ou d'une autre. Les mains de rouquine tremblaient, elle n'aurait cependant pu dire si il s'agissait du froid et de l'appréhension qui prenait possession de tout son corps. Elle inspira profondément avant d'avancer en direction de la porte d'entrée de l'appartement. Elle sourit instinctivement une fois qu'elle fut devant. Ses doigts délicats vinrent toucher le bois de la porte en un doux mouvement. Ce bois, elle l'avait tant touché, si bien que son seul contact suffit pour que Rose se perde de nouveau dans une tornade de souvenirs. Ces souvenirs, souvent, la hantaient. Ils étaient beaux et pourtant, ils procuraient à Rose une sorte de douleur qu'elle n'aurait su identifier. Son coeur se tordait douloureusement tandis que son estomac se retournait. Les larmes avaient le don de lui monter facilement et les sanglots ne cessaient pas, envahissant son doux visage de larmes abondantes et salées. Et pourtant ces souvenirs, aussi taraudants soient-ils, faisaient partie entière de son passé et Rose ne pouvait se réduire à les oublier. Elle revit Scorpius debout devant elle, ses iris bleues semblait refléter une joie qu'elle n'avait plus vue depuis longtemps. Elle revit ses mains se poser sur elle, sur sa peau nue en un mouvement délicat et protecteur tandis que la pluie doucement s'écoulait sur les fenêtres, divulguant une tendre mélodie sur leur foyer. Rose inspira une nouvelle fois, doucement tandis que ses cheveux roux lui collaient sur le visage à cause de l'averse qui n'avait cessé de battre. Comme dans son souvenir.

Trois coups secs contre cette porte en bois avaient suffit. Ils avaient été réguliers, doux. Rose se sentait étrangère, voilà qu'elle se retrouvait à frapper contre cette porte qu'elle avait tant ouverte. Ses doigts se rejoignirent pour ne former plus qu'un. Ses lèvres s'entrouvraient pour former des mots tandis que ses yeux se plissaient. Rose s'était rendue là-bas sur un coup de tête, à la suite de simples échanges. Astoria avait été claire, Scorpius n'allait pas bien. Et même si les deux amants n'étaient plus, Rose ne pouvait repousser cette passion, cet amour qui l'avait tant enivré et qui malheureusement, l'enivrait encore. Les quelques secondes qui suivirent semblaient longues aux yeux de la rouquine mais en un mouvement, la porte s'ouvrit doucement. Les iris vertes de Rose vinrent se poser sur le visage de Scorpius qui semblait inchangé. Ses traits cependant étaient tirés tandis que la fatiguée semblait s'être éprise de son visage. Rose resta muette pendant quelques secondes. Les mots, phrases qu'elle s'était entêtée à répéter étaient finalement inutile. Voilà qu'elle se retrouvait muette face à une personne à qui jadis, elle confiait tout. « ..Salut. » salut. salut? minable. Ces mots résonnaient dans la tête de Rose qui baissa les yeux tout en se pinçant les lèvres. « Je suis vraiment navrée de te déranger. J'ai juste remarqué que j'avais oublié un livre sur l'étude des moldus. » Rose n'avait jamais été très douée pour mentir mais elle se surprenait à se trouver crédible. Il était évident qu'elle n'aurait plus besoin d'utiliser ce livre mais il avait s'agit de la seule excuse qu'elle avait trouvé pour le revoir. Pour essayer de lui parler. « Je ne risque pas de m'en resservir mais tu vois, je suis nostalgique. » elle avait essayé d'installer une pointe d'humour à la fin de sa phrase, en vain. Ses paroles encore une fois avaient été maladroites. Rose alors replongea ses iris dans celles de Scorpius qui étaient toujours d'un bleu très clair. Bleu qui avait eu raison d'elle plusieurs fois. Un bleu dans lequel elle s'était noyée tant de fois et continuer encore parfois de le faire.

one love, two mouths
one love, one house

Sa jambe tremble toute seule, tiraillée par le stress. Une pression constante appuie lourdement sur ses épaules, tordant sa colonne vertébrale et affaiblissant chacun de ses muscles. La fatigue se lit sur son visage alors que l'épuisement taille ses cernes. Et pourtant, les insomnies se multiplient, le plongeant dans un état somnolant permanent.
Il n'y a plus de solutions. Peut-être n'y en aura-t-il plus jamais.
Scorpius ne vit plus. L'ombre de son bonheur passé a totalement disparu, et il semblerait que plus rien ne lui donne matière à sourire. Matière à voir les choses du bon côté. Matière à se détendre. Grand perfectionniste, cette caractéristique de sa personnalité a tourné au défaut, depuis quelques mois, et même dans une totale paranoïa. Bien faire les choses, lorsqu'on peut les faire, et de toute manière, les faire quand même. Et bien. Et les faire quand même, même lorsque c'est impossible. Et bien faire, même quand c'est impossible. Et faire quand même, même quand c'est bien, même quand c'est impossible. Toujours chercher un petit peu plus loin, faire un petit peu mieux, car l'excellence n'a pas de valeur, pas de prix. Scorpius en a perdu tout côté chaleureux et humain. Il fait semblant, à longueur de temps. Il pense sans réfléchir. Il parle sans rien dire. Il entend sans écouter. Ce jeune homme autrefois plein, sincère, entier, a aujourd'hui été brisé par le mensonge, pris dans l'engrenage de la douce folie. Et il reste dans l'inconscience. Il ne veut pas se l'avouer. Il faut continuer à vivre, à travailler, à voir ses amis, son ex aussi, parfois, parce qu'il la voudrait bien un peu dans ses bras, des fois. La famille, ne pas oublier l'importance de la famille, même s'il ne l'a jamais réellement considérée. Continuer à vivre. Continuer à vivre. Aller bien. Penser qu'on va bien. Continuer à vivre. C'est simple, merde, c'est simple. Il met les insomnies sur le compte d'une surcharge de travail, depuis son arrêt de trois semaines, le mois dernier (foutue blessure au bras). Il cautionne le même facteur pour justifier son stress. Quant à cette attention perpétuelle, cette manie de toujours vouloir mieux faire (et de se dire que de toute façon, on peut toujours faire mieux), ce gout du détail maladif, cette barre d'exigence qu'il se met beaucoup, beaucoup trop haut, Scorpius affirme qu'il a toujours été comme ça. Qu'il n'y a rien d’alarmant. Et alors que sa mère souligne gentiment, à chaque fois qu'ils se retrouvent, qu'elle voit qu'il ne va pas bien, il réplique calmement, avançant ces arguments.
Tout va bien.

Dix-neuf heures.
Il s'est endormi sur ses dossiers, ce matin. Des papiers qu'il doit remplir pour chaque personne qu'il a arrêté, blessé ou autre. Un retard considérable qu'il a accumulé pendant ces trois semaines d'arrêt. Un retard qu'il a tenté de combler en restant toute la nuit éveillée, ne cessant de déblatérer des conneries sur ces parchemins, armé de sa plume, de son pot d'encre à moitié vide. Un léger couinement de la porte d'entrée le réveille en sursaut ; après avoir repris ses esprits, Scorpius se dirige vers la salle de bain, prend une douche, se lave les dents. Il n'ose qu'à peine regarder son reflet dans le miroir. Visage pâle, regard éteint, traits tirés, ça le fait flipper. Il ne se reconnait plus. L'envie et la motivation ont déserté ses pupilles devenues sombres, bien trop sombres, au moins autant que la difficile période qu'il traverse. Alors qu'il entreprend de se préparer à manger, on frappe à la porte. Froncement de sourcils. Scorpius enfile rapidement un tee-shirt blanc qui vient compléter son jogging gris.
Rose est là. Sur le seuil de la porte. Trempée à cause de l'averse, ses cheveux flamboyants collant son visage. Grelotante.
Rose est là, et le coeur de Scorpius rate un battement.
Il a tout d'abord un premier mouvement de recul, dû à la surprise. Pas un sourire, pas une expression de visage. Juste la nostalgie, la mélancolie, qui s'emparent de toute son âme. Et le spleen de tous ces moments partagés lui tiraille les entrailles, ricoche contre les parois de son cerveau. Ca fait mal, l'amour, tellement mal.
« Salut.. » Il répond, tout aussi hésitant. Ils se sont déjà revus, plusieurs fois, depuis leur rupture. Mais jamais seuls. Jamais l'un en face de l'autre. Les yeux dans les yeux. Rose explique qu'elle a oublié un livre sur l'histoire des moldus, Scorpius hoche légèrement la tête. « Oui, il me semblait bien que tu l'avais oublié. Il est sur l'étagère au dessus du lit... comme avant. » "Avant" sonne mal, sonne faux. "Avant" introduit leur passé commun au même titre que la cassure, la rupture. "Avant" fane leur avenir, tâche leurs idées, leurs pensées. Rose est nostalgique. C'est ce qu'elle dit. « Il n'y a pas de mal. » Scorpius s'écarte afin de laisser passer Rose, effleurant accidentellement le bout de ses doigts. Premier contact depuis quatre mois. C'est chaud, c'est froid, ça remue beaucoup de choses en lui, inconsciemment. Ca lui fait un peu de bien, peut-être. D'être secoué. De ressentir des choses. « Hm excuse-moi, ce n'est pas très bien rangé, je ne m'attendais pas à ta visite. » Il essaye d'organiser rapidement son bureau, trop rapidement, et dans la précipitation, fait tomber deux ou trois dossiers. Les feuilles s'envolent, valsent sur le sol et se mélangent. « Merde, putain » Scorpius soupire lourdement, s'étale sur le canapé, essaye de se calmer. Il est sur le point de craquer, d'exploser. Tout se choque et s'entrechoque dans sa tête. Respirer, il doit respirer. Pourquoi maintenant ? Pourquoi devant elle ? Il n'a pas besoin de savoir si elle s'inquiète ou non. Si elle se soucie ou non. Il n'a pas besoin de savoir si elle sait ce qui rythme son quotidien. Ce qu'il est devenu. Il n'a pas besoin de savoir, il ne veut pas savoir.

Le revoir était douloureux, beaucoup trop. Et pourtant Rose dans cette douleur arrivait à trouver un certain plaisir. Un plaisir masochiste, ardent. Un plaisir qu'elle ne voulait pas voir se terminer et qui pourtant finirait bien par avoir raison d'elle. Son estomac doucement se tordait tandis que son regard ne voulait pas se détacher de son visage. Son visage qui avait illuminé, coloré son quotidien et qui désormais, ne faisait que hanter ses rêves. Lui aussi, semblait hésitant, mal à l'aise, étranger. Sa voix n'avait pas changé, elle avait encore le don de procurer à Rose des sensations qu'elle n'oublierait jamais. Mêlant protection et confiance. Encore et encore. Scorpius avait évoqué leur passé tandis qu'une nouvelle brise s'était logée sur l'échine de la rouquine, frissonnante. Elle n'aurait su déterminer la provenance des frissons qui s'étaient épris de son corps, bien qu'elle en avait une vague idée. Scorpius alors, s'écarta, offrant à Rose l'entrée de sa maison. Cette ligne qui les séparait semblait infranchissable bien qu'invisible. Et Rose pendant quelques secondes hésita devant cette porte ouverte, devant Scorpius qui avait décidé de la laisser entrer. Enfin, elle osa. Son pied entra en contact avec cette demeure qui jadis avait été la sienne. Le parfum enivra ses narines, il restait inchangé. Il lui rappelait des souvenirs. Il était agréable. Il l'était encore, et c'était tout ce qui l'importait.
Leurs doigts s'effleurèrent en un doux mouvement. Un mouvement timide, évité et si agréable. De nouveau le coeur de Rose se serra provocant une douce douleur dans l'intégralité de son corps. Elle sourit timidement, bêtement et aurait juré sentir ses joues rougir. Cette sensation adolescente et familière s'était une nouvelle fois éprise de son coeur, l'animant un peu plus. L'appartement ne semblait pas différent et pourtant Rose se sentait étrangère, comme si elle n'avait plus sa place dans ce nid qu'ils avaient partagé.

Il s'était excusé pour l'état de l'appartement. Et pourtant, Rose aurait aimé lui dire que ce n'était pas important, que ça ne l'était plus et pourtant elle resta muette. Espérant doucement que ça le soit encore. Ses iris vinrent se poser sur toute la surface du salon, du bureau et un nouveau rictus vint élargir ses lèvres. Son coeur doucement, semblait se réchauffer. Avalant peu à peu cette douleur qui s'y était nichée. Des papiers, les dossiers de Scorpius tombèrent en s'étalant un peu partout sur le sol. Attirant l'attention de Rose, elle posa ses yeux sur son ancien amant qui venait de s'installer sur le canapé en un mouvement trop rapide. Il n'était pas bien, il ne fallait pas être devin pour le remarquer. Son visage pâle et sa respiration saccadée en disait déjà long sur sa condition. Aussi rapidement qu'elle le pu, la rouquine se rendit dans la cuisine qui elle aussi n'avait pas changé. Les habitudes prirent le dessus sur ses actions, récupérant vélocement un verre vide pour le remplir d'eau fraîche. Tout en manquant de le renverser à maintes reprises, elle vint le placer entre les mains de Scorpius. « Doucement. » murmura-t-elle en un souffle. Ses lèvres s'élargissent une nouvelle fois. Elle aurait voulu poser sa main sur son visage, dans ses cheveux, pour essayer de le calmer. D'entrer en contact avec sa peau froide mais elle ne le pu. C'était plus fort qu'elle. « Je t'en prie, essaie de te calmer. » Rose se sentait su impuissante, elle aurait voulu savoir agir. Elle aurait tant voulu savoir que faire dans une telle situation mais elle resta paralysée. Le tas de papiers jonchant sur le sol attira alors son attention. S'abaissant pour les ramasser, sa curiosité maladive la poussa à y jeter un coup d'oeil rapide. Ses iris parcoururent les dossiers rapidement et ses yeux se plissèrent doucement tandis qu'un soupir s'extirpa de ses lèvres entrouvertes. Elle revint auprès de Scorpius pour s'installer en face de lui. Le voir dans cet état lui serrait le coeur, la douleur cependant n'était plus agréable. Celle-ci était abominable, atroce, presque insupportable. Rose déposa les dossiers sur la table du salon avant de poser ses iris sur le visage de Scorpius. « Tu devrais arrêter de te mettre dans de tels états. » ce n'était pas un reproche mais plus un conseil. Rose aurait aimé lui dire qu'elle tenait toujours à lui, que sa santé l'importait et que le voir dans une telle peine diffusait en elle un mal qu'elle ne s'aurait qualifier mais elle n'y parvint point. « Je sais que- » elle soupira avant de fermer les yeux, doucement. « Je sais que tu veux retrouver l'assassin de ton père mais je t'en prie Scorp, repose toi. » ça lui avait fait mal de dire cela, tant de mal. Rose savait à quel point retrouver le coupable était important pour Scorpius, mais cela ne devait pas influencer sur sa santé. D'une manière ou d'une autre, la rouquine réussit à poser sa main sur celle du jeune homme en une pression presque constante.

one love, two mouths
one love, one house

Scorpius ne se souvient pas à quel point il a aimé Rose. A quel point il a été amoureux d'elle. Peut-être l'est-il encore aujourd'hui. Très certainement. Mais d'une manière bien différente, comme si cet amour était aujourd'hui terni par le poids de tous ces difficultés, comme si l'amour était fatigué, épuisé. La passion, elle, reste cependant intact. Son moyen d'action est seulement un peu usé, un peu fané. Des souvenirs fleurissent dans sa tête, et il pense à ces nuits d'été, après leur septième année à Poudlard. Le prince serpent et la reine lionne réunis, sous ces couchés de soleil, encore insouciants quant à l'avenir, quant au fait de devenir des adultes, quant aux responsabilités que l'âge allait leur apporter. Encore heureux car trop amoureux. Il se souvient avoir découvert son corps tout entier ces nuits-là, caressé la courbe de ses hanches, embrassé doucement ses lèvres fruitées. Il se souvient de leur bonheur qui a duré près de huit ans. De leur bonheur qu'il regrette tant. Cette idée lui pince le cœur. Plus encore que tout ce stress, toute cette pression, qui le fatigue, qu'il n'arrive plus a supporté. Scorpius en a marre. Il a envie de tout plaquer, de tout craquer. C'est peut-être l'effet que lui fait Rose, faisant entrer avec elle dans l'appartement cette vague de nostalgie. C'est cruel, ce sentiment qui heurte, qui blesse, qui touche un peu trop fort ses organes vitaux, qui bouscule toutes ses pensées.
Scorpius se sent vide, depuis quatre mois. Tourner la page n'existe pas, n'existe plus. Tourner la page n'est qu'une illusion, qu'un mirage, une énigme qu'il n'arrive pas à élucider, un mystère qu'il n'arrive pas à éclaircir. Oublier, ou du moins essayer, est en réalité bien plus douloureux que penser constamment au passé. Se dire que c'était mieux avant. Et c'était mieux avant.
Avant quoi ? Scorpius ne sait même plus. C'est comme si ça aussi, il avait oublié. Oublié ce qui a réellement changé, ce qui l'a foutu dans ce minable état (et soudainement, il semble enfin s'en rendre compte. Une tornade s'abat sur lui. Bordel, plus rien ne va. Plus rien ne va.), comment il en est arrivé là. Plus rien n'a de sens. C'est ça sa vie ? Finir enfermé tous les soirs dans son appartement, cloitré entre quatre murs, parfois avoir un verre de Whisky-pur-feu posé sur le bureau (parfois il ne le boit pas, mais le remplir est déjà un signe assez alarmant), et ne pas dormir de la nuit, trop tourmenté par des démons qu'il n'essaye même plus de contrôler. Qui a tué son père ? Cette question résonne sans son esprit constamment, depuis quatre ans. L'écho de sa souffrance, l'écho de son chagrin. C'est ça, oui, c'est ça. C'est à cause de ça que tout s'est dégradé. Que sa vie est partie en vrille, littéralement.

Rose est douce. Si douce que pendant un instant, Scorpius semble oublié qu'elle ne vit plus ici, qu'ils ne sont plus ensemble, qu'elle ne dormira pas la main enlacée dans la sienne, son corps tout près du sien, cette nuit. Si douce qu'il réussit à se calmer, qu'il arrive à respirer, désormais. Elle est la clé qui ouvre la porte, la solution au problème. Tout commence et finit toujours par Rose. C'est dingue, ça le rend fou, cette dépendance. Elle hésite à lui prendre la main et il est heureux qu'elle ait eu le courage de le faire. Ce contact le réchauffe, l’apaise. Soigne sa folie maladive, un peu. Peut-être est-il malade, peut-être est-elle son remède, après tout. Elle parle avec tendresse, se soucie de son état. Scorpius ne veut pas qu'elle ait pitié, il refuse d'incarner cette image de tristesse, il refuse qu'elle pense qu'elle y est pour quelque chose aussi. Il aurait voulu ne pas l'impliquer dans sa galère. Il aurait voulu être un peu plus fort, aujourd'hui, et pouvoir, pour une fois, réussir à ne pas être totalement lui-même à ses côtés. Comme il le fait depuis quatre mois. Faire semblant est devenu la fonction principale de sa vie. Mais tout dérape ce soir. « C'est la fatigue, ne t'inquiète pas. » Il serre la main de sa rouquine un peu plus fort, sans réellement le faire exprès, entremêle ses doigts aux siens. Un léger sourire tord ses lèvres, même s'il sonne faux. Scorpius pense à l'espoir, les yeux plantés dans ceux, émeraudes, de la Weasley. Il se concentre sur toute positivité qu'elle dégage, un peu en vain, car ses paupières se plissent, son sourire s'anéantit progressivement, sa poigne se fait moins forte et ses traits se crispent. Il n'arrivera décidément pas à lui mentir. « Je... Je n'arrive pas trop à dormir ces derniers temps, c'est tout. C'est juste... Tout ce retard au travail... » Il lève un peu son bras avec un rictus de douleur. « J'ai dû m'arrêter pendant trois semaines, les risques du métier comme on dit. »

Rose aurait du mal à dire ce qui lui manquait le plus; seraient-ce ses étreintes chaleureuses, ses mots doux ou sa simple présence? Elle avait mit énormément de temps à essayer de se passer de cette routine qui s'était éprise de son quotidien. Si bien qu'elle avait compensé ce manque par la présence de sa famille qu'elle n'avait pas lâché une seconde, qu'elle ne lâchait toujours pas d'ailleurs. Son père n'avait pas pu se retenir de lui dire le célèbre je te l'avais bien dis qui n'avait fait que renforcer ses sanglots. Jamais Ronald n'avait accepté leur relation, si bien qu'il prétendait du mieux qu'il pouvait en la présence de Scorpius, gardant sa bouche fermée pour ne pas risquer d'être impoli. Et pourtant, Rose avait toujours contesté les dires de son paternel, aussi dur que cela pouvait être. D'une manière ou d'une autre, ce fut ce que Rose aimait dans leur relation. Elle était supposée être interdite, impossible et pourtant si passionnelle. L'adrénaline qui contrôlait son coeur avait eu raison d'elle plusieurs fois, jusqu'à ce que cette adrénaline s'éteigne en un souffle, la passion cependant ne su s'affaiblir, disparaître, si bien qu'elle avait ce don d'animer son coeur; et c'était encore le cas aujourd'hui. C'était ce qui illuminait son regard quand elle croisait les yeux de Scorpius, ce qui faisait battre son coeur un peu plus vite à son toucher, ce qui tordait son estomac quand son souffle caressait doucement sa joue. De nombreuses fois, Rose avait souhaité partir, s'en aller avec lui. Tout laisser derrière eux et ne plus jamais revenir. Mais jamais elle n'en avait eu la force, jamais. Et peut-être que les choses auraient été différentes si ils l'avaient fait, peut-être. Les projets de Rose dorénavant, semblaient sans but. Inutiles. Elle avançait sans se construire d'avenir et vivait pour voir ce qui se passerait le lendemain. Elle voyait des familles se former petit à petit, des enfants grandir et des tragédies éclater tandis qu'elle restait clouée sur place, dénuée de tous mouvements. Paralysée, coincée dans un passé dont elle ne semblait pas vouloir se détacher. Dont elle ne voulait pas se détacher. Rose se trouvait étrangement égoïste, arrivant à se dégouter toute seule. La voilà qui s'attardait à son propre bonheur, à ses propres désirs alors que tout à côté commençait à tomber en pièces. Elle restait concentrée sur ses sentiments si égoïstement.

Leurs doigts s'entremêlèrent si doucement que Rose ne pu retenir cet automatisme de jouer avec ses doigts délicatement. Son estomac se tordit tandis qu'une agréable chaleur se déversa dans son corps jusqu'à réchauffer ses joues fraîches. Ces simples actions lui manquaient, sa présence lui manquait. Terriblement. Un léger sourire se dessina sur les lèvres de Scorpius, Rose ne peut s'empêcher de l'imiter; réchauffant un peu plus son coeur. Cela faisait bien longtemps qu'elle ne l'avait plus vu sourire, cela faisait longtemps qu'il n'avait plus sourit du tout. Rose ne supportait pas de le voir dans de tels états, il semblait si froid, si seul. Elle aurait tant voulu être à ses côtés plus souvent pour essayer de ranimer cette flamme qu'elle avait tant connu, cette flamme qui l'avait habité si longtemps et qui semblait maintenant éteinte, disparue. Il était si faible, si fatigué. Rose soupira quand il mentionna son travail, il était évident qu'il se concentrait dessus. La rouquine baissa le regard quand il mentionna une blessure récente tandis que la pluie s'abattait toujours violemment sur les fenêtre. Une douce mélodie semblait s'étendre sur la pièce, écumant le silence pesant. Elle osa alors de nouveau croiser son regard fatigué. « Que s'est-il passé? » dit-elle en posant ses yeux sur le bras de Scorpius dont le visage semblait être prit de douleur. Elle soupira une fois encore tout en accompagnant ses paroles par un geste de la main en direction des papiers déposés sur la table. « Tu devrais essayer de prendre quelques jours, de t'éloigner de tout cela. Je suis certaine que ça te ferait du bien. » à vrai dire elle l'ignorait. Elle savait à quel point apprendre la vérité l'obsédait et d'une manière ou d'une autre elle aurait tant aimé qu'il la trouve, cette vérité. Il le méritait après tout. Ses yeux se posèrent de nouveau sur les dossiers qu'elle venait de déposer sur la table en pinçant les lèvres. « Je pourrais peut-être essayer de t'aider, d'une manière ou d'une autre. » ses mots avaient été maladroits, il était évident que Rose ne pouvait rien faire pour l'aider, elle n'y connaissait rien. Mais elle aurait tant voulu pouvoir faire quelque chose, pouvoir le soulager de ce poids d'une quelconque façon. Le travail de Rose ne demandait pas tant de préparation, de régularité, jamais elle n'avait manqué un match; elle était alors certaine qu'elle pouvait se permettre de prendre quelques jours pour aider Scorpius du mieux qu'elle le pouvait. Elle vint mettre des mèches de cheveux humides derrière ses oreilles avant de poser son attention sur Scorpius une nouvelle fois. Ses yeux se fermèrent alors qu'un soupire s'extirpa de ses lèvres entrouvertes. Ses doigts se délièrent de ceux de Scorpius doucement avant que les mains de la rouquine se rejoignent. « Je m'inquiète pour toi, Scorpius. » son coeur se serra un peu plus quand leurs iris se croisèrent.

Le contact est doux, chaleureux, il réchauffe le coeur de Scorpius et lui fait du bien. Il a besoin de Rose au moins autant que de ses poumons pour respirer, de son esprit pour penser, que de chacun de ses organes pour remplir toutes les fonctions vitales qui leur sont attribuées, et le blond ne semble s'en rend compte que maintenant. Sa mémoire fonctionne, ça y est. Sa mémoire fonctionne. Comme si, après tous ces mois dans le noir total, après tous ces mois dans l'incompréhension du sens qu'il essayait de donner à sa vie, de ses réelles intentions, de ses motivations, ces quelques doigts entremêlés, ces quelques fragments de peau, poussières dans l'univers, suffisaient à éclaircir toutes ses questions, lui apportaient toutes les réponses dont il avait besoin. Il a envie de remonter la pente, enfin. Pour elle, pour Rose. Pour eux. Même si au fond, il sait qu'une fois que sa divine rousse aura quitter à nouveau son (leur ? Il n'arrive pas à se faire à l'idée qu'il est seul à vivre dans ce lieu, qu'il est entièrement, totalement, désespéramment seul) appartement, tous ces espoirs, toute cette soudaine effervescence qui remue au fond de lui, cette chaleur qui semble s'emparer de son âme, disparaîtront. S'évanouiront dans l'air frais, trop frais, qui glace son cœur chaque jour un peu plus. Scorpius est vain. Perdu, désabusé. L'espoir est éphémère. Il n'est plus que le reflet de sa tristesse bataillant, de son chagrin qui se tord dans le serpent, monotone, et qui, parfois, s'anime un peu, vit. Peut-être qu'il vaut mieux vivre dans la peine que ne pas vivre du tout, après tout. Peut-être. L'incertitude ronge ses entrailles. Scorpius veut vivre, pour de vrai. Veut pouvoir serrer la fille qu'il aime dans ses bras, embrasser chacun de ses parents, entretenir bon contact avec ses cousins germains, Scorpius veut pouvoir se coucher le soir et se réveiller le matin sans se soucier de cette pression qu'il accumule sur ses épaules autrefois fortes, désormais épuisées par le quotidien. Il est lasse, fatigué.
Usé de rêver d'une vie meilleure, de ne pas pouvoir se contenter de ce qu'il a sous les yeux.
Parce qu'il n'a plus rien sous les yeux.
Parce qu'il a tout perdu. Ou du moins, ne semble-t-il voir justement uniquement ce qu'il a perdu. Et c'est d'ailleurs sûrement ce qui l'a mené à perdre les dernières choses qui lui restaient, notamment Rose Weasley. C'est sûrement ce qui va le mener à perdre les toutes dernières choses qui lui restent.

Il ne cherche plus à fuir le regard de la rouquine. Elle le connait par coeur ; il ne peut plus se cacher. Essayer serait vain. Mentir serait inutile ; elle parviendrait à lire dans ses fourberies orales. Rose demande ce qu'il s'est passé, Scorpius n'est pas certain d'avoir envie de parler de son accident. Ce serait avouer qu'il a échoué. Que pour la première fois depuis qu'il est entré dans la brigade de tireurs d'élite, il n'a pas réussi une mission. Ce serait avouer qu'il a faibli, qu'il n'est plus au meilleur de ses capacités, ces dernières temps. Qu'il est à peine bon à remplir des dossiers, lorsqu'il ne les fait pas tomber dans toute la surface de son appartement. Cependant, les mots viennent tout seul ; c'est comme s'il ressentait enfin le besoin de se confier, le besoin d'informer quelqu'un de sa détresse inavouée. Son subconscient appelle à l'aide. « Plusieurs os cassés, traumatisme crânien, il y a un mois. Un cambrioleur visiblement pas si mauvais avec une baguette... Je suis resté quelques jours à Ste Mangouste, la magie fait vraiment des miracles ! Ca aurait pu être assez fatal pour un moldu, ce genre de blessure... Enfin, ça va mieux. J'ai toujours mal au bras, je pense retourner à l'hôpital dans la semaine... Mais ça va. » Rose lui propose de l'aider, sûrement par rapport à l'enquête sur le meurtre de son père, qui n'avance pas. Depuis quatre ans. Principale raison de leur rupture, selon Scorpius. Il fronce les sourcils. Il a toujours reproché à Rose son manque d'intérêt pour cet évènement qui a été un réel traumatisme pour Scorpius. Ou du moins, son manque de compréhension vis à vis du fait qu'il n'arrive pas à s'en remettre. A passer à autre chose, restant sur la conviction que le Ministère corrompu a en réalité camouflé l'assassinat de Drago. Scorpius le sait, le sent, au fond de lui, qu'ils les mènent tous en bateau. Qu'ils enchainent mensonge sur mensonge. Et ça le rend complètement dingue. Peut-être que pendant ces quatre années, Scorpius s'est montré plus froid, plus distant avec Rose, alors obsédé par cette enquête non-officielle qui a constitué, et qui constitue toujours, une véritable source de stress pour cet éternel perfectionniste, maniaque du détail, beaucoup trop exigeant envers lui-même. Sûrement qu'il a négligé son couple jusqu'à ce que ce dernier soit réduit à néant, et même au stade d'une catastrophe. Mais ces quatre mois semblent leur avoir donné un électrochoc. Scorpius sent que Rose comprend des choses sur lesquelles elle a manqué de souplesse, alors que lui regrette réellement son comportement. Les temps sont durs. Tout comme l'amour qui loge toujours au fond de son corps pour cette rouquine aux yeux qui l'ensorcellent. Elle s'inquiète. Scorpius ne veut plus qu'elle s'inquiète. Elle s'est déjà beaucoup trop inquiétée. Tout le monde s'est déjà beaucoup trop inquiété. Un léger sourire flâne sur ses lèvres alors que Rose dénoue leurs doigts. Un léger pincement au cœur. « Tu dois mourir de froid. » Il se lève et s'éclipse un instant dans la chambre, prend un de ses pulls et reviens dans le salon rapidement, tend le vêtement à Rose avec, à nouveau, un léger sourire nostalgique. Scorpius a le cafard. Bordel, c'est dingue toutes les émotions que réussie à lui procurer cette femme.
Un long silence s'installe dans la pièce.
Gênant, un peu, mais surtout rassurant. Rassurant parce que c'est la preuve qu'ils peuvent encore se parler sans mots. Se comprendre sans belles phrases. S'aimer dans le vide, sans raisons. Rassurant parce qu'ils peuvent encore rester sans voix devant leur histoire.
Ça travaille dans l'esprit de Scorpius. Comme si tous les démons qui contrôlent son cerveau s'activaient soudain à faire tourner la machine. Il pense à tout ce qu'il pourrait dire à Rose. A tout ce qu'il a à lui dire. Sur lui, sur ce qu'il se passe dans sa vie depuis qu'elle est partie. Sur eux, sur le « nous » qu'ils ont formé, qu'ils forment toujours un peu. Sur tout un tas de choses qui rentrent en compte dans leur relation, et dont ils n'ont jamais clairement parlé. Sans réellement se lancer, les paroles s'extirpent toutes seules de ses lèvres. Dans l'incertitude de ce qui va sortir, Scorpius brise le voile. « Je ne sais pas vraiment si c'est mon père ou toi qui me manque le plus. » Il s'enfonce dans le canapé, sa tête reposant contre le coussin, en arrière. « J'ai l'impression que j'ai foiré dans les deux cas. Et ça me rend dingue, ça aussi. »

Son coeur semblait se remplir un peu plus. Sa présence avait le don de le réchauffer, c'était ce qui lui manquait après tout. Scorpius. Sa chaleur, ses baisers, tout. Le seul fait de le revoir semblait l'apaiser, Rose oubliait tout ce qui n'allait pas, ce qui n'allait plus. Elle ne voulait plus détacher son regard du sien, comme si le simple fait de ne plus le regarder allait les séparer, une nouvelle fois. Et Rose elle ne voulait pas, ça non, elle voulait juste le prendre dans ses bras et que leurs souffles se mêlent à nouveau. Elle avait tant besoin de s'évader, de s'échapper de ce quotidien qui l'oppressait, qui l'étouffait et Scorpius semblait être le seul qui pouvait lui offrir cette échappatoire si désirée et pourtant si inaccessible. C'est fou ce que l'amour peut faire, Scorpius fut, est, la seule personne que Rose ait jamais aimé, le seul amour ayant réussit à ébranler son coeur. Son corps. Son âme. Mais elle avait apprit à avancer, Rose, elle avait ré-apprit à avancer seule depuis qu'elle était désormais livrée à elle même. Et peut-être que c'était ce dont elle avait besoin; se retrouver seule pour se rendre compte de tout ce qu'elle avait perdu. C'était de sa faute si les choses étaient dorénavant comme telles, elle n'avait su le croire, elle avait faillit à l'aider comme lui avait pu l'aider. C'était sa faute après tout, elle ne pouvait que se blâmer elle-même. Il fallait qu'elle se concentre sur l'extérieur, sur ce qui se passait, sur les probèmes des autres et pas que les siens.
Mais elle est comme ça, Rose.
Dès que quelque chose ne va pas, ne va plus, elle n'arrive pas à se concentrer sur autre chose que ça Rose, son égoïsme prend le dessus et semble s'enivrer de tout ce qui passe. Y compris de ses sentiments, surtout de ses sentiments.

Elle avait mal Rose, tellement mal. Surtout pour lui. Le voir dans un tel état lui brisait le coeur et d'une manière ou d'une autre elle ne pouvait pas s'empêcher de se sentir responsable. Elle savait que si elle avait agit différemment les choses seraient différentes. Leurs vies seraient différentes. Elles seraient de nouveau unies. Alors Rose, elle souffre. Silencieusement certes, mais elle souffre. Et elle donnerait n'importe quoi pour effacer cette douleur qui tient son coeur dans la paume de sa main. Cette douleur puissante qui sert cet organe vital, cet organe de l'amour, qui l'oppresse jusqu'à le détruire. Et c'est ce qui lui fait mal, Rose, c'est l'amour. Mais rien que de pouvoir croiser ses iris la soulage, rien que ça. La futilité lui manque. Rose aimerait retrouver cette passion qu'elle ressentait dans des choses banales comme une tasse de café servie par son amant. Le contact de sa peau contre la sienne alors qu'ils dorment près l'un de l'autre. Le goût de ses lèvres. Surtout le goût de ses lèvres, pensa-t-elle. Rose l'écoutait, gobant ses paroles. Sa voix enivrante emplissant ses tympans, elle semblait les caresser tant elle était douce. Mais son coeur lui faisait mal, encore. L'entendre parler de sa blessure lui faisait mal. Elle pouvait sentir ses os se briser alors qu'elle n'avait pas été présente ce jour là. Elle n'avait pas su. Elle n'avait pas été à ses côtés dans cette autre épreuve; Encore. Elle l'avait encore laissé seul. Son coeur s'accéléra une fois encore, comme si il se débattait sous la poigne de la douleur; une nouvelle fois. Le froid. Elle l'avait presque oublié Rose. Le simple fait d'entendre Scorpius prononcer ce mot la fit grelotter. Elle lui sourit quand elle le vit se lever et s'en aller. Il disparu quelques secondes, quelques petites secondes et pourtant il lui manquait déjà. Elle soupira Rose, elle s'était engagé dans quelque chose dont elle n'était pas sûre de vouloir sortir. Il était partit dans sa chambre, dans ce qui était leur chambre avant tout ça. Son coeur se serra une fois encore, un peu plus. Rose se rappela de tout, d'absolument tout. Des plaisirs charnels aux larmes, aux sensations, aux sentiments, à tout. Puis il revint et la rouquine ne pu retenir un rictus qui allongea ses lèvres en un sourire. Il lui tendit un pull et Rose hésita, longuement avant de le prendre dans ses mains. Elle était familière avec ce tissu, avec cette douce odeur qui s'en dégageait, avec le pull en lui-même. Elle voit encore Scorpius le porter un matin puis elle le voit l'enlever. Dorénavant elle l'avait entre les mains et elle le serra, doucement. Elle l'enfila par dessus son tee-shirt humide, c'est stupide et elle le savait Rose mais ironiquement elle ne savait pas quoi faire. Comment agir avec lui. Elle pouvait sentir son odeur contre sa peau, envouter ses cheveux et colorer ses joues, une chaleur agréable lui emplissait le ventre et le coeur effaçant pendant quelques secondes cette douleur oppressante qui lui compressait l'estomac.
Puis le silence tomba.
Il s'imposa.
Rose fixa Scorpius pendant quelques secondes, elle pouvait sentir ses joues chauffer et rougir. Elle aurait tant voulu se serrer contre lui, entremêler leurs doigts une nouvelle fois. "Je ne sais pas vraiment si c'est mon père ou toi qui me manque le plus." son coeur se serra. Elle écarquilla les yeux tandis qu'elle ne pouvait pas s'empêcher de détacher ses iris des siennes. Elle le fixa encore et encore alors que ces mots furent ceux qu'elle attendit pendant tant de temps. Pendant si longtemps qu'elle resta paralysée, ne sachant pas quoi dire. Douce ironie. Il pense que c'est sa faute. pensa-t-elle sans qu'elle n'ait le courage d'ouvrir la bouche. Une pulsion, l'adrénaline, l'amour, Rose n'aurait su dire ce qui la poussa à se lever et s'asseoir à ses côtés; posant sa main sur son épaule. Premier contact depuis  que leurs doigts s'étaient entremêlés. C'était si agréable. « Ce n'est pas de ta faute, rien de tout ça n'est de ta faute. » sa voix se tordit tandis que ses mains recherchèrent désespérément son visage. Ses doigts caressèrent sa peau; elle était douce et chaude. Elle lui manquait beaucoup trop. « Tu n'es pas responsable Scorpius, je t'en supplie, tu n'es pas responsable. » insista-t-elle tandis que ses iris semblaient vouloir se confondre aux siennes. Rose encore, avait mal. Elle ne voulait pas qu'il se sente responsable, surtout pour des choses dont il n'était pas coupable. Dont il n'avait pas à l'être. Elle soupira, ses yeux se baissèrent. « Tu me manques aussi. » terriblement, beaucoup trop, insatiablement, pensa-t-elle. Elle aurait tant voulu lui dire, lui dire ce qu'elle pensait vraiment. Ce qu'elle ressentait pour lui après toutes ces années qu'ils avaient partagé, cet amour dont ils s'étaient enivrés. Qu'elle l'aimait encore malgré tout. Pour toujours. « Je suis désolée pour tout ça. Pour tout ce qui t'arrive. » elle osa enfin croiser son regard alors que ses yeux étaient maintenant brouillés, noyés dans des larmes qui ne semblaient pas vouloir s'écrouler. Coincées comme cet amour dont Rose ne voulait pas se détacher. Cet amour inoubliable et ardent.

Scorpius se plait à détailler chaque partie qui constitue le visage de Rose. Il s'attarde sur ses iris émeraudes qui semblent renfermer toutes les étoiles de la galaxie entière. Cet immense océan dans lequel il se perd, il se noie, il se sent submergé par toutes ces intempéries qui secouent le courant paisible de l'eau. Et les vagues l'envoutent, l'hypnotisent. Il n'arrive pas à se détacher de ce lent mouvement monotone, de ce cratère pastel qui surplombe sa pupille, de l'intensité de son regard. De ce qu'il y voit lorsqu'il se pose amoureusement sur lui. Elle est belle, tellement belle. Scorpius se demande s'il a un jour trouvé une femme plus belle que Rose Weasley. Il semble soudainement se rendre compte de toute la beauté qu'elle représente, de tout le désir qu'elle peut susciter chez les hommes, et cela semble brutalement lui poser problème. S'il aime avant tout Rose Weasley pour ce qu'elle est, Scorpius aime également cette rousse pour l'attirance qu'il a premièrement ressenti pour l'image de perfection physique qu'elle dégage. Plastique de rêve qui le rend fou. Fou d'amour. Puisqu'il faut bien être fou, pour aimer.
Surprise attendue qui se lit sur son visage alors qu'il exprime directement sa folie. L'aveu s'extirpe de sa bouche. Zigzague entre eux avec le sifflement d'un serpent. Les entoure d'une vulnérabilité nouvelle ; désormais à nus, le mensonge frappe en vain. Insensibles, le vice frappe à la porte de leur naïveté qui a fermé à clé. Plus rien ne peut les atteindre. Scorpius a l'impression que la présence de Rose le rend invulnérable. Il boit ses paroles qui le rassurent, un peu. Il ressent la peine, au plus profond de lui. Il ressent le manque. La douleur s'élève et se durcit, s'agite dans le creux de son estomac, serre son cœur. Nostalgie malsaine qui brouille son cerveau, brouille son esprit, gèle ses pensées et fragilise sa réflexion ; guidé par ses émotions heurtées, par son handicap émotionnel récent, il avance à tâtons, les yeux bandés, il cherche la réponse. C'est elle. C'est elle la réponse. Même si la situation est complexe. Même s'il ne peut pas oublier les erreurs et les échecs d'un coup de baguette. Parce que d'un certain côté, leurs différences les rapprochent bien plus qu'ils ne le pensent. Le destin s'acharne. Une main posée sur l'épaule de l'autre. Contact électrifiant ; le renouveau du coup de foudre. Rose use de son venin. Douceur merveilleuse qui agit comme une drogue dans la tête blonde. A la manière d'une sirène, il ne lui suffit que de chanter pour l'envouter. Et il se perd dans les abysses de la dépendance. "Tu n'es pas responsable." Comme l'écho de son chagrin qui résonne dans son esprit, qui cogne contre cette force affirmée, prétendue. "Tu n'es pas responsable." Elle a tord, elle a tord. Tout est de sa faute.
Il a foiré.
Il a merdé.
Et désormais, il en paye le prix fort. Leurs pupilles se croisent ; Scorpius ose un léger sourire. Nouveau silence. Il lui manque. Elle l'a dit. Tous deux méditent sur leurs erreurs passées. Une tendresse paisible les unie alors que leurs doigts se frôlent, que leurs cuisses se collent, assis sur le canapé, l'un à côté de l'autre. Totalement silencieux. La pureté de l'instant émeut Scorpius. Comme quoi, la brutalité des mots n'est pas spécialement nécessaire à la compréhension des choses évidentes. Scorpius se souvient soudainement du livre que Rose est venue récupérer. « Oh, je... Je suis désolé, je t'ai retardé, avec toutes mes... Avec tout ça. » Il se lève à nouveau, sa main glissant le long du bras de Rose, retourne dans la chambre pour la deuxième fois, cherche le bouquin quelques secondes et réapparait dans le salon quelques instants plus tard. Il tend l'objet à Rose. « Voilà pour toi. » Il lui adresse un nouveau sourire. Scorpius est heureux de la visite de Rose. Heureux que les choses se soient passées ainsi, aujourd'hui, même si sa faiblesse inavouée s'est montrée bien plus présente, et qu'il en a brutalement pris conscience. Heureux d'avoir pu échanger avec elle, sur ce qu'il ressent, ou du moins, sur ce qu'il pense ressentir, sur ce qu'il arrive à distinguer entre le gros fouillis qu'est devenu son cœur noirci, son cœur meurtri. Parce qu'enfin, Rose semble comprendre. Tout ce manque de compréhension qu'il lui a longtemps reproché semble se combler aujourd'hui. L'hypothèse d'un nouveau commencement germe dans l'esprit de Scorpius, qui semble libéré désormais. Il a évacué un peu sa peine. Un peu. Le gros morceau reste accroché à ses tripes, pèse lourd sur ses épaules. Mais ça viendra. Grâce à elle et à toutes les autres personnes qui le soutiennent. Soudainement, Scorpius a de l'espoir. Il se rassoit, inconsciemment plus près de Rose que la dernière fois. Quelques centimètres seulement séparent leurs deux visages, mais cela n'a plus rien de gênant ; à nouveau, leurs doigts s'entremêlent sous l'initiative de Scorpius. Il n'a plus peur de la souffrance, désormais. Et au final, la laisser le consumer pleinement sonne comme une délivrance. La fin d'une guerre au fond de lui. Et l'armistice enfin signée, il ne reste plus qu'à tout reconstruire.
L'heure de la séparation approche, Scorpius le sent. Rose ne peut pas rester éternellement. La nuit est tombée depuis bien longtemps, puisque les journées sont de plus en plus courte, en cette fin de mois de Novembre. Scorpius pense à demain, après-demain, et tous les autres jours qui vont suivre. Il a entendu parlé de cette manifestation des Gobelins. Sûrement s'y rendra-t-il, au moins pour observer la marche. Il a l'esprit clair, décomplexé. Et pourtant, une voix au fond de lui, la mauvaise, la vicieuse, lui murmure que cela ne va pas durer. Qu'aussi bipolaire que la lune, sa dépression reprendra le dessus, dans une ou huit heures, peu importe. Elle ne le lâchera pas. Pas tant qu'il n'aura pas levé les armes, décidé de trouver des réponses aux questions, aux énigmes, aux mystères. Rose en est la première. Encore quelques milliers. Lentement, il se tourne vers elle. Il ne regarde plus que ses lèvres rosies qui l'appellent, et qu'il meurt d'envie de capturer, de faire siennes.
Forte tentation.
Trop forte tentation. Sa main droite attrape son menton, son regard croise le sien, rien qu'une seconde. Qu'une seule et unique seconde qui le conforte dans l'idée qu'il a raison de faire ça. Qu'il a raison de commencer à écrire sur une toute nouvelle page. Ses lèvres se collent tendrement sur les siennes. Le baiser se prolonge. Le temps s'arrête. Plus rien ne compte. Plus rien n'existe. Seulement leurs corps qui se relient par ces quelques fragments de peau. Ce baiser signifie beaucoup de choses, aujourd'hui. Les excuses, le pardon. C'est ce que veut dire Scorpius, en tout cas. Leurs lèvres se séparent et Scorpius a un léger pincement au cœur. Il sourit. Il a oublié à quel point c'est simple, de sourire.

Demain le sourire aura sûrement déjà disparu.