Il y a du vent qui fait frissonner l’air. De la neige qui recouvre les vieilles habitations transformant les maisons abîmées en demeures de conte de fée. Tout est blanc. Purifié. Et l’endroit est empli d’un silence ouaté. Celui que seule la neige peut créer lorsqu’elle recouvre le sol. Et au milieu de la neige il y a Myst. Petite fille aux grands yeux émerveillés dont le regard dévore en silence le paysage. Ses cheveux noirs forment une tâche dans la pure clarté. Doucement elle s’assoit sur le sol, pose ses mains nues dans la neige fraiche. Il y a d’abord le froid glacial qui s’empare de ses paumes, ruissèle le long de ses poignets. Mais elle en à cure. Avec délice elle enfonce un peu plus ses doigts dans la masse blanche, la secoue avec délice, mettant un peu de son chaos dans le trop beau décor. Elle signale son passage sans un mot. Laisse une trace qui ne disparaitra qu’a la prochaine chut de neige. Un dessin innocent pour prouver qu’elle était là.Si jeune et elle raisonne déjà comme les grands. La peur de l’oubli se glisse déjà dans son regard. Le besoin de rompre une harmonie qui existe sans elle s’engouffre dans ses veines. Soudain elle regarde ses mains et les extraits du sol. La froid s’est changé en brûlure, ses mains si pâles sont devenues rouges, abîmées par la violente morsure de la glace, elle les sert contre son petit torse, ses lèvres rouges s’ouvrant pour laisser un souffle chaud. Son regard se pose autour d’elle. Sur le décor qu’elle trouvait si beau. Il est désormais gâché. Elle est seule ici et il n’y a personne avec qui jouer. L’ennui s’inscrit sur ses petits traits et elle s’apprête à retourner à l’intérieur.Mais deux bras l’enlacent soudainement, une odeur bien connue se porte à ses narines et un éclat de rire enfantin sort de ses lèvres. Il n’y a qu’une personne qui pourrait faire cela. Son père la prend dans ses bras, murmurant des mots tendres et la couvrant de baisers. Il prend ses mains encore rouge et les glisse dans ses paumes, si grandes. Et elle se sent bien soudain Myst. En sécurité. Aimée. « Joue avec moi. Reste avec moi. » Sa voix est un peu suppliante c’est vrai. Mais il travaille trop. Et Myst ne le voit pas assez. Elle sait que sa mère est triste aussi quand il ne rentre pas, ses yeux s’emplissent de nuage et elle refuse de jouer avec l’enfant. Alors elle veut qu’il reste avec elles. Un peu plus de temps. Vivre ici n’est pas toujours simple. Ils ne fréquentent pas beaucoup de personnes à par les amis de son père. Et aucun n’a l’âge de Myst. Sa mère dit que c’est parce qu’elles sont des étrangères. Myst se contente d’acquiescer.« Je ne vais nulle part ma puce. Je reste avec toi » Alors elle se laisse aller entre ses bras. Il sourit et l’embrasse encore sur la joue. Sa barbe pique et Myst laisse échapper un petit rire ravi. Il commence alors à la faire tourner avant de la lancer légèrement et de la rattraper. Ce ne sont que quelques centimètres. Mais elle à l’impression de voler. Ses cris de joies brisent le silence et son bonheur résonne dans leur morne entourage. Du coin de l’œil elle voit sa mère sortir. Si belle avec ses cheveux sombres. Ses yeux presque aussi clairs que ceux de Myst. Elle à un sourire doux sur le visage. Les regarde de loin sans oser l’approcher.Et Myst se sent comblée.

Un poing s’abat soudain sur la table en bois de la salle à manger. Celle ou Myst s’est appuyée pour faire ses premiers pas. Celle ou ses parents ont organisés un repas pantagruélique juste avant son départ pour Poudlard espérant ainsi qu’elle ne les oublieraient pas. Une façon de lui faire manquer son chez soi. Futile manière puisqu’elle leur écrivait tout les jours. Le son résonne dans la salle à manger soudainement silencieuse. Myst se tourne vers sa mère. Une lueur implorante dans ses yeux. Elle refuse de comprendre. Refuse d’accepter. Les trois dernières secondes n’ont pas existées. Elle n’a rien dit. Parce que cela n’est pas possible. Parce que cela ne peut pas arriver. Pourtant elle tremble légèrement. Sursaute quand la voix de stentor de son père retentit.

Son père.

« Répète ce que tu viens de dire ! » Sa voix est froide et pleine de haine. Il y a du poison dans chacun de ses mots articulés soigneusement. Myst sent la colère, mais plus loin derrière l’angoisse. L’angoisse qu’elle puisse avoir raison. Que le rêve s’écroule pour laisser place à l’enfer. Un halètement s’échappe des lèvres de Myst. Elle se tourne vers sa mère, qui regarde l’homme qu’elle à épousé avec un mélange de regret et de cruauté. Voila des années que plus rien ne va entre eux. Des années que l’amour tendre et la passion se sont envoilés pour laisser place tout d’abord à l’ennui, et ensuite à la rancune. Et maintenant viens la haine. La vie de Myst s’écroule simplement à cause d’une dispute de trop. A cause de son père qui rentre trop tard. Parfois même plus du tout. Parfois elle se dit qu’il doit avoir quelqu’un. Quelqu’un d’autre. Elle n’est pas sotte. Elle ne le voit pas pour le héros qu’elle aimerait qu’il soit. Mais pour l’homme fatigué qu’il est.Et jusqu'à aujourd’hui elle comprenait le fiel de sa mère. Ses mots acides et sa rancœur. Mais si ce qu’elle est dite est vrai, il n’y a plus de pardon envisageable. Seulement une douleur si grande qu’elle pourrait tous les détruire. Le mot supplication est marqué sur son visage. De nouveau le regret s’étend sur le visage de sa mère. Mais il disparait quand elle regarde par-dessus son épaule, en direction de son époux. Ses lèvres rouges s’ouvrent avec hargne et elle répète chaque mot avec délectation. « Ce n’est pas ta fille. J’ai eu une aventure juste avant qu’on se marie. Et stupidement je ne voulais pas que l’on rompe. Alors je t’ai dit qu’elle était de toi. Mais plus besoin de mentir maintenant ! Pas alors que tu t’en va baiser une autre femme chaque soir » Myst recule d’un pas. De deux. Elle vacille. Sa peau pâle devient livide. Elle s’accroche à la table. Cette maudite table ! Et elle voit l’incompréhension gravé sur le visage sillonné de ride de son père. Il semble avoir pris cent ans.  Ses yeux parcourent le visage de Myst et elle sait qu’il cherche quelque chose. Quelque chose qui vienne de lui. Mais il n’y a rien. Myst à toujours ressemblé à sa mère. Une brune pulpeuse à la peau pâle et au regard clair. Rien de lui chez elle. Rien puisqu’elle n’est pas de lui. Sa bouche s’articule mais pas un mot n’en sort. Et les larmes qui refusent de quitter les yeux de Myst commencent à couler sur les joues de son père. Elle sent qu’elle le perd et tend un bras vers lui. Brise le moment. Ce n’est plus de la colère dans ses yeux mais de la résignation. Elle tend le bras vers lui. Implorante. Elle est prête à se mettre à genoux. « Papa » le mot s’échappe comme un murmure avant qu’elle ne puisse le ravaler. Car ce n’est pas vrai. Le mot devient symbole du mensonge. Celui auxquels ils ont tous deux crus pendant des années. Il parait presque désolé. Il parait aussi défait. Cassé. Et soudainement il disparait. Un gémissement sort des lèvres de Myst. Une plainte déformée qui porte toute sa douleur. Elle s’effondre sur le carrelage froid. Sa poitrine brûle. La douleur ne semble jamais vouloir s’arrêter.

« Arrête ! Arrête de vouloir tout savoir ! Arrête de vouloir tout contrôler ! » La voix explose dans la pièce et elle recule. C’est de sa faute. Encore une fois. De nouvelles erreurs. De nouvelles conneries. C’est pas qu’elle le veuille. Elle ne fait pas exprès. Elle à besoin de savoir. Besoin d’être sûre. Cela fait deux ans déjà depuis qu’elle à appris la vérité. Deux ans qu’elle a vu son petit univers voler en éclat. On peut pas lui en vouloir de ne plus faire confiance. De ne plus y arriver. Pourtant il est en colère lui encore une fois, peut-être qu’elle est allée trop loin. Peut-être qu’il ne lui pardonnera pas. Elle ne peut pas lui en vouloir. Peut-être que c’est mieux comme ça. Elle se fait du mal en le surveillant constamment, c’est juste qu’elle ne peut pas s’en empêcher. Elle le suit et l’observe parce qu’elle attend le moment. Le moment précis ou il fera comme tous les autres. Ou il mentira. Parce qu’ils n’ont tous fait que ça. Mentir. Le mensonge de sa mère qui lui à coûté un père. Il n’est plus jamais revenu lui, n’a jamais répondu à aucune des lettres suppliantes qu’elle lui envoyait, lui demandant de revenir. Il a menti lui aussi. Menti en disant qu’il serait toujours là. Alors Myst elle ne connait plus que ça. Mensonges, mensonges et trahisons. Maintenant elle à besoin de savoir la vérité. D’en être toujours sûre. Même quand elle ne devrait pas. C’est pour ça qu’elle l’a suivi lui, appareil photo à la main. Le monde derrière l’objectif devenant sa réalité. Au début il n’a rien dit. Il est aussi cassé qu’elle. Plein de névroses et d’insécurité. Au début il à compris. Espéré qu’à deux ils pourraient se réparer. Mais de toute évidence ça n’a pas marché. Et maintenant il en a marre de la supporter. C’est pas qu’elle lui en veuille. Qu’elle lui reproche quoi que ce soit. Au contraire elle comprend trop bien. Parfois elle envie de hurler contre elle aussi. De se demander qui est la femme terrifiée qui à pris la place de la gamine souriante qu’elle était.Elle avance toujours pourtant. Elle sourit. Elle marche. Elle vit. Elle travaille. Mais à chaque seconde de chaque jour elle observe les autres. Dissèque les faux-semblants et les demi-vérités. C’est son métier. Elle le fait bien. Dommage que cela empoisonne son existence. Elle relève les yeux. Plante le bleu dans l’acier de l’homme qu’elle aime. Il est aussi abîmé lui. Un peu comme elle. Peut-être que c’est pour ça qu’ils s’aiment. Mais ils se font mal du coup. Ils se déchirent. Parce qu’ils peuvent le supporter. Parce qu’ils ne savent plus aimer sans mordre. Sans blesser. Ils sont bien trop cassés. Des âmes fêlées. Ils se regardent et il y a trop de douleur dans leurs yeux. Trop de folie. Elle l’aime à en crever Myst. Mais elle à le cœur au bord des lèvres. Elle n’a rien à lui donner. Rien à lui apporter. Elle n’est qu’une bâtarde incertaine qui a reniée sa mère et qui est incapable de se rapprocher de sa famille biologique. « Alors va-t-en. Ne reviens pas. » Les mots glissent hors de ses lèvres comme une excuse. Elle voit la douleur dans les yeux de son amour, le reflet de la sienne sans doute. Mais il ne proteste pas non plus. Ne demande pas à rester. Ce n’est pas le bon moment. Pour aucun d’entre eux. Ca ne sert à rien. Elle n’a pas confiance en lui. Elle n’est pas bonne pour lui. Il y a trop de lâcheté. Pas assez d’espoir. Le silence s’installe et ils se regardent un peu. Il reste plus rien à dire. Pas de grands cris ni de larmes. Pas qu’ils n’aient pas mal bien sûr. Mais ce n’est pas le bon moment. Alors mieux vaut partir. Avant de trop se blesser. De s’empoisonner. Il hoche la tête et se retourne. La porte claque derrière lui. Et Myst est seule. Une nouvelle fois.

Des photos éparpillées sur la table, accrochées au mur. Des morceaux de parchemins recouverts de notes, de son écriture régulière. Son regard si pâle retourne sur les photos. Tremblant. Il y a eux dessus. Les siens. Cette famille avec qui elle partage simplement un peu de sang. Des indiscrétions de leur père est née Myst.Cela fait deux ans déjà qu’elle surveille sans oser les approcher. Deux ans que sa mère lui à dit la vérité. Ses vingt ans semblent déjà bien entachés. Mais il n’y a pas grand-chose d’autre à dire sur eux. Ils sont au nombre de trois elle le sait. La fratrie Stoker. Demi-frères. Demi-sœur. Des mots qu’elle a encore du mal à prononcer. Elle ne les connait pas. Ne les connaitra vraiment jamais. Peut-être qu’ils se ressemblent un peu. Cheveux de corbeaux et yeux d’eaux vives. Ils ont l’air différent. Ils ont l’air froid. Ce qu’elle a trouvé sur eux ne devrait pas lui donner envie des les connaitre. Mais elle n’a plus de famille Myst. Simplement ces inconnus. Son doigt se pose sur le papier glacé, tout contre un visage aux traits régaliens. Son visage se crispe. Bientôt elle fera quelque chose. Bientôt elle ira les voir. Il n’y a qu’un pas à franchir. Qu’un pas. Elle observe la photo avec attention. Se demande lequel ressemble le plus à ce père qu’elle n’a jamais connu mais qu’elle déteste déjà tant. La colère brûle dans ses veines, le poison dans sa gorge. Ses mains se crispent autour des photos déchirant et tordant le papier sans merci.

Tant pis.