(asshole) La nuit est tombée et le croissant lunaire observe les biens heureux sorciers. Rhaegar ne dort pas, ses yeux caressent le paysage dans un silence apaisant. Sa mâchoire est crispée et ses poings sont serrés. La haine lui domine le corps et fait naître des questions qui lui bousillent le crâne. Pas de papa - seulement une maman. « mon chéri, tu ne dors toujours pas ? » En quelques secondes ses iris se posent sur le parfait visage de sa mère, Daerys. Il sourit légèrement, incapable de lui mentir dès que ses yeux croisent les siens. « non, j'y arrive plus.. » Il tombe comme une feuille-morte sur le sol tout en laissant glisser son dos contre le bois et, une fois bien installé, ses mains glissent sur sa nuque. « je comprends pas pourquoi on a pas de père, nous. pourquoi arabella peut avoir deux sortes de cadeaux à noël, pourquoi elle peut jouer avec oncle amon. pourquoi on est différents du reste de notre famille ? déjà qu'on a pas le même nom, maintenant, on n'a pas la même vie. » On. Elia et lui. Tout en alignant ses mots, il lance un coup de tête en direction de sa jumelle pour indiquer à sa mère la réelle signification de ce "nous" « j'ai pas envie d'être l'homme de la maison maman.. » et repose une nouvelle fois ses yeux dans les siens. Ils pétillent. Rhaegar est jeune, trop jeune pour porter le poids d'être un homme. Ce n'est qu'un enfant, pas un adulte. « oh.. tu sais, tu es déjà un très bon époux. tu sais faire la vaisselle alors que ton père ne savait même pas manier un balai ! » Elle sourit - il est tellement beau son sourire, tellement attendrissant qu'elle pourrait faire taire une armée en levant ses lippes. Il admire sa mère et son courage, sa force de vaincre et surtout son puissant caractère. Daerys est douce. C'est une femme qui n'hurle pas et ne critique pas. Elle est parfaite aux yeux de ses enfants, c'est leur exemple. Elle s'avance vers son petit garçon et vient s'asseoir à ses côtés, glissant son bras au-dessus de ses épaules pour le câliner. « tu n'as peut-être jamais connu ton père mais tu peux être heureux de connaître le reste de ta famille. ils seront toujours là pour toi, rhaegar, plus qu'il n'aurait pu l'être. » Ses doigts blancs glissent sur la joue du garçon. « tu es mon fils et tu es l'homme de cette maison, c'est ton devoir de me protéger moi et ta sœur. dois-je te rappeler que tu sais mettre des coups dans tes oreillers comme personne ? qui pourrait donc défendre princesse Elia du méchant dragon qui vole dans tout tinworth ? » Rhaegar secoue légèrement la tête tout en reculant de l'emprise de sa mère. « c'est pas drôle, je suis trop vieux pour jouer à des trucs comme ça.. » Le petit homme recule en rampant sur le sol, s'éloignant de sa veilleuse préférée. Daerys, de son côté, soupire légèrement le sourire bloqué sur ses lèvres. Tout comme elle. « trop vieux ? très bien. voyons ça. » Elle se relève et s'approche d'Elia sagement endormie. Ses doigts glissent sur ses hanches et en quelques secondes la princesse se retrouve coincée sur l'épaule droite de sa mère. « maman ! » Elle rigole la petite, toujours amusée par les réveils spéciaux de sa petite maman. « maman ? qui est-ce ? je suis le gros dragon mademoiselle et personne ne va venir pour vous sauver ! votre prince est trop vieux désormais ! vous êtes à moi, vite la marmite ! » Daerys prend une voix virile qui fait sourire Rhaegar encore caché dans son coin. Trop vieux pour ces conneries. Le dragon et la princesse s'avancent ensuite vers les escaliers dans une démarche amusante. « aaaaah ! rhaegar ! sauve-moi ! » La princesse laisse tomber quelques larmes de joie, souriant à son jumeau. Voyant que sa sœur est heureuse de s'amuser, il se lève et agrippe une épée en plastique cachée sous son lit avant de s'élancer à la poursuite de ses deux femmes dans un hurlement enfantin. Ou pas. « j'arrive ! attention dragon, je viens pour t'embrocher ! » Boumbadaboum, ils tombent tous les trois dans les escaliers avant d’arriver sur leur mère en riant aux éclats. Puis la pause câlin. Tous les trois se serrent de toutes leurs forces et Daerys vient embrasser leur crâne chevelu. « je vous aime, mes jumeaux diaboliques » « nous aussi on t'aime maman » Plus un son. Rhaegar ne relève pas et pose une seule question. « ... tu vas jamais partir, hein ? »

(mom) Trois coups contre la porte. Une voix qui résonne. « pas maintenant. » Elia pousse tout de même le bois, le sourire envolé. Elle est habillée de noire, Elia. Elle est triste, Elia. Elle n'est plus le soleil, elle est la lune. Une fois l'entrée passée elle voit un frère dépité, dégoûté, désolé, et même détruit. Il est là, face à cette fenêtre, enfermé dans cette chambre. Leur ancienne chambre. Elle revoit dans un vieux souvenir les petits cubes de bois en forme de pyramide dans un des coins de la pièce, l'épée en plastique ou en mousse, sa robe rose qui sert de toit pour leur petite cabane. C'était une pièce tellement vivante. « rhaegar, s'il te plaît.. » « laisse-moi, elia, j'ai besoin d'être seul. » Les yeux de la jumelle glissent vers le sol et ses pas s'avancent vers le jumeau. Les doigts glacés de la belle viennent caresser les épaules de l'aîné tandis que sa voix refait surface. « ne te renferme pas.. pas encore. je suis là, nous sommes là. toute la famille est là pour t'aider.. » Elle pose sa tête contre son dos, se réchauffant au passage. « elle l'aurait voulu et tu le sais mieux que quiconque. » Elia, c'est la plus forte des deux. Elle sait garder le contrôle sur ses émotions, lui, il ne sait rien. Petit ignorant. Rhaegar ferme les yeux au contact de sa jumelle, soupirant légèrement. Elle est partie maman, envolée vers un monde bien plus beau. « déjà tante sybille et maintenant maman.. » Il fait une courte pause, agrippant les mains de sa sœur pour s'assurer de sa présence, qu'elle ne s'envole pas elle aussi. « c'est qui les prochains ? moi ? arabella ? tante wendy ? » Ses paupières se ferment et son cœur vient se tordre dans sa poitrine. « je ne veux pas te perdre. » Elle sourit légèrement dans son dos et dépose ensuite ses lèvres humides sur sa joue. « je ne vais pas te laisser. jamais. » Rhaegar n'arrive pas à lui sourire, à lui rendre un moindre mouvement de ses lippes. Il ne bouge pas, frissonne presque en sentant les lèvres rassurantes de sa sœur contre sa peau, mais ne fait rien pour arranger l'atmosphère. « pourtant, tu déménages dans quelques jours. » C'est un peu plus froid comme réponse, un petit reproche qu'il n'arrive pas à digérer. Elle va partir et le laisser seul dans cette maison trop grande pour lui. Ne pas laisser la maison familiale.. c'est une promesse qu'ils avaient faite, sa mère et lui. Le prince doit veiller sur le royaume après la mort du grand dragon. « je suis obligée. je ne peux pas rester ici, je ne peux plus et.. quand tu vas trouver quelqu'un, je préfère ne pas être là histoire de ne pas lui faire peur dès la première rencontre. » Son sourire s’étire et pendant un instant, Rhaegar vit dans les yeux de sa sœur sa mère. Son humour décalé. Daerys lui manque déjà. Pourquoi n'a-t-elle pas dit pour sa maladie ? Pourquoi voulait-elle jouer dans la solitude ? La mâchoire de l'aîné se contracte légèrement et sa voix se fait plus tremblante. « elle t'avait dit ? » C'est hors-sujet, important. Il souffre Rhaegar, ses proches s'envolent comme des feuilles en automne et disparaissent de l'arbre comme en hiver sans ne jamais revenir, même pas en été. Elle quitte sa place pour venir devant lui, agrippant ses mains dans les siennes. Elle soupire. Elle l'inquiète. « écoute, je.. » - « tu étais au courant ?! » - « non ! enfin, laisse-moi t'ex- » - « tu savais et tu ne m'as rien dit ? » Il lâche brusquement les mains de sa sœur tout reculant de quelques pas. Dépité. Dégoûté. Déchiré. « laisse-moi t'expliquer, s'il te plaît. calme-toi.. » - « comment as-tu p- » - « stop. » La voix d'Elia s'enfonce dans les oreilles de l'aîné. Elle est plus froide, plus forte. Une deuxième maman, un papa qui est une sœur. « elle ne voulait pas te le dire car tu aurais fait le tour du monde pour lui trouver un remède. toute la famille était au courant sauf toi, rhaegar. oncle amon m'a conseillé de ne rien te dire, car d'après lui, tu aurais réagi bien pire que le jour où tu as appris pour tante sybille. maman était très malade et elle ne voulait pas te voir le devenir pour elle. c'est égoïste, je sais.. mais c'était l'une de nos promesses. je ne pouvais pas la briser, pas en voyant ta réaction face à la mort de tata.. » Elle le regarde droit dans les yeux ; c'était pour son bien avant tout. Sa mâchoire se contracte légèrement et elle s'avance, un pas puis un second avant d'avoir les yeux pétillants. Elle n'aime pas les disputes entre eux, Elia. Rhaegar non plus. En quelques secondes la demoiselle s'élance sur son aîné pour l'encercler de ses bras glacés. « je suis certaine qu'elle n'aimerait pas qu'on se dispute le jour de son enterrement.. pardonne-moi, rhaegar. je ne voulais pas te le cacher. » Le garçon ne bouge pas. Choqué. Elle avait caché la maladie de leur mère et toute la famille était au courant sauf lui. Sauf son fils, son prince comme elle disait. Sauf qu'elle n'est plus là, Daerys. C'est trop tard. Elle repose en paix désormais, elle n'est plus dévorée par ces microbes qui lui parcourent le corps. « je te pardonne.. » Il comprend Elia, il aurait fait la même chose à sa place. Seulement... Il est meurtri. Son deuxième visage prend place, plus confiant, plus fort. « elle me manque.. » - « à moi aussi.. » Ils soupirent ensembles. Liés comme les doigts d'une main, comme le sang au cœur. Inséparables. « amon veut nous trouver un poste au ministère.. maman ne voulait pas que l'on y mette les pieds. je ne sais pas si je vais le suivre. » - « tu sais.. c'est un homme bon. regarde arabella, elle est heureuse. tu peux bien faire ça pour lui comme pour elle. elle n'aimerait pas nous voir à la rue sans rien dans les poches, tu le sais bien. » - « hm, vite fait. » Le jeune homme sourit légèrement avant d'embrasser le front de sa cadette. « je te protégerai du méchant dragon, t'inquiète pas. seulement.. fait l'effort de lui plaire, je te rappelle qu'il va payer nos dettes et frais pendant quelques années. » Il fait une courte pause avant de glisser sa main dans celle de sa sœur. « aller, on arrête de parler de choses comme ça pour aujourd'hui. surtout ici. »
La porte qui se ferme.
La clé qui tourne.
La fin des jours heureux.

(wolf) « elia ? » il hurle son prénom comme un enfant qui cherche sa mère. « elia ! » la puissance de sa voix n'arrête pas d’augmenter, apeuré à l'idée de la perdre elle aussi. Son sang se glace quand il s'imagine la scène dans laquelle elle expire son dernier souffle, seule dans ces bois sombres. Elle ne peut pas le laisser, pas encore, pas maintenant, pas ici. Elle est quelque part dans cette forêt perdue sans nul doute et lui, cet idiot, n'arrive pas à attendre sagement son retour. Le cœur de Rhaegar commence à s’enflammer et son sang bouillonne dans ses veines, ses pieds l'emmènent loin, très loin de la ligne de départ. Il se déplace le plus rapidement possible hurlant le prénom de sa jumelle dès qu'il en trouve l'occasion, cherchant par tous les moyens à lui faire comprendre qu'il arrive même si l'écho de sa voix ne semble atteindre personne hormis les corbeaux qui l'observent depuis leurs branches. Le vent commence à se lever et souffle dangereusement sur la cime des arbres, laissant les rayons blancs de la pleine lune venir caresser la peau du garçon et guider son chemin. Les sueurs froides, quant à elles, s’affirment sur celle-ci lui arrachant des frissons désagréables. Puis un cri. Un hurlement qui n'est pas celui d'une demoiselle de vingt-cinq ans met Rhaegar en alerte. Une plainte grave qui sort des tripes, un appel à l'aide déformé. Les poings du jeune homme se serrent, ses pas sont plus prudents. Il s'avance de quelques mètres avant de mettre un terme à sa course suite à un craquement lourd sur sa gauche ; naturellement ses yeux se portent dans cette direction mais rien ne fait face à lui. Il n'est pourtant pas fou, il sait que quelqu'un ou quelque chose n'est pas loin. Et là, il fait face à son destin. Pour la première fois de sa vie il sent qu'il n'a pas sa place là où il est. Des crocs puissants qui brillent à la lumière, de la bave qui dégouline vers le sol ; et des yeux qui ne sont pas normaux, des yeux intensément jaunes. Rhaegar ne bouge plus et ils s'observent mutuellement, dans un silence glacé. La chose semble pourtant bien plus déterminée que lui a agir et en quelques secondes elle s'élance vers sa proie, bondissant les armes en avant. Ses griffes aiguisées arrachent la peau sur le visage du jeune homme qui recule en hurlant de douleur, posant sa main déjà ensanglantée sur les plaies fraîches. Il hurle de toutes ses forces, repoussant les corbeaux au loin. Son dos claque sévèrement sur la terre aussi sèche que sa gorge puis il se met à ramper. L'animal, c'est lui. La chose, c'est l'homme. Les larmes ne peuvent pas couler, elles ne sortent pas. Sa peur empêche toute chute hormis celle du sang. La créature s'avance en faisant claquer sa mâchoire pour terrifier sa proie, c'est un jeu à ses yeux. Un jeu dont l'animal perd le contrôle. Sa tête lui fait mal, ses joues n'existent plus et pour terminer ce tableau funeste, le loup plonge ses crocs deux fois dans sa tendre chaire. Tout d'abord son épaule dont il arrache un morceau de peau conséquent avant de mordre une nouvelle fois au niveau de sa nuque. Il ne bouge plus, Rhaegar. C'est terminé. « rhaegar ! non ! » Elle arrive en pleurant, Elia. Des larmes dangereuses. Il déteste l'entendre pleurer car son sourire est tellement plus beau. Elle s'élance dans la direction de son frère tout en lançant un sortilège sur l'animal pour le faire fuir « morsmordre ! dé-dégage ! va-t-en ! », la lune qui va bientôt laisser sa place au soleil, à son soleil. Elle agrippe la nuque de son aîné pour l’installer sur ses jambes, habillant son visage sanglant de ses larmes salées. Le pauvre respire difficilement. « s'il te plaît, reste avec moi.. Vul-Vulnera Sanentur.. » Les plaies ne saignent plus. « Vulnera Sanentur.. » Les plaies se referment. « Vulnera Sanentur.. » Et les plus grosses cicatrices ne sont plus que de lointains souvenirs. Sa respiration devient stable mais ses paupières restent  fermées. Ses tripes lui font un mal de chien ou plutôt de loup. « am-amon.. » Il essaye de parler, ses lèvres qui refusent. « va.. me tu-tu.. » Puis il sombre dans un profond sommeil, sa sœur calme ses flots. Elle aurait pu perdre son âme-sœur, sa source de bonheur et lui.. il ne sait que murmurer la suite de son horrible destin. « je ne le laisserai pas te faire du mal rhaegar, je vais te protéger. repose-toi.. » Depuis ce jour, Elia est devenue beaucoup plus protectrice qu’auparavant. Elle est la seule à connaître le secret de son frère, un secret lourd qui risque de détruire, avec le temps, toutes les relations positives avec son oncle.