jade n'a plus de nouvelles de lily.
jade ne voit plus albus.
jade ne sait pas ou est passé warner.
elle ne sent un peu seule, la gamine.

elle a trouvé sa consolante dans un match de quidditch professionnel. les corps filent dans les airs et les ombres sont absorbées par le soleil qui, paon royal, s'amuse à briller. comme s'il souhaitait illuminer les sols neigeux d'angleterre.
elle aimerait bien qu'il avale son ombre, aussi, mais il fait si sombre par ici qu'elle a peur d'être mangée toute entière.
elle les a regardés avec cette joie enfantine qui est apte à dévorer les cœurs les plus froids : elle avait les yeux brillants et le cœur léger, prise dans l'action sans avoir à faire attention aux regards qui pèsent habituellement sur ses épaules. il n'y a rien de plus insignifiant qu'une jeune fille avalée par la foule de supporters. elle aime cet aspect du monde:  être assis là, sans rien faire si ce n'est hurler des encouragements, et appartenir à quelque chose de beau, de grand.
l'image d'albus se floute, celle de lily devient moins insistante et elle sait que warner n'est jamais loin.
un instant, au coeur du spectacle, elle n'a plus peur. et elle a le coeur léger.

elle ne se rappelle plus bien qui a gagné et pour tout avouer, cela ne l'intéresse pas. elle voulait juste se changer les idées et cela a merveilleusement bien  marché. alors la voilà qui suit les pas de ceux qui veulent s'amuser encore : elle rejoint le pub qui est bien rempli mais pas débordant de silhouettes malgré tout. ses doigts sur le bar, elle salue la personne à qui elle s'adresse d'un sobriquet léger signifiant bien que l'inconnu, elle le connaît. puis elle commande la même chose qu'à chaque fois : un whisky pur-feu. c'est l'alcool de fête, puis il ne brûle plus tant que ça.
ses pas la mènent vers une table vide, sans doute l'unique du pub avant de l'apercevoir. plus jeune. bien bâti. joueur de quidditch, ça elle en est sûre: elle n'oublie jamais un visage, jade.  le sourire de la môme est transcendant, mystérieux comme toujours. mais contrairement à ce qu'elle montre, elle a bien quelques idées derrière la tête.
la chaise vide en face de lui ne l'est plus bien longtemps.
'c'est comme cela que les professionnels fêtent leur victoire?' elle demande, les yeux brillants d'amusement. question parfaitement rhétorique car elle a fait plus d'afters avec des joueurs qu'il n'a dû faire de fêtes de toute sa vie. la môme se fait facilement inviter et enchante la piste, alors forcément, elle finit numéro une dans la liste des gens à inviter. puis elle connait la machine, elle sait que rien ne combat le mieux le train-train affligeant que quelques verres un samedi soir. elle ne juge pas, se noie dans l'alcool, se pourrit les poumons aussi. 'parkinson. jade parkinson.' se présente-t-elle finalement après une étude complète du spécimen. puis elle tend sa main au-dessus de la table, l'air avenant sans trop en dire pour autant.
le sourire ne bouge pas, pas plus que son regard braqué sur lui. nul doute qu'elle le sonde de l'intérieur, au plus profond que ses yeux ne le permettent.
elle veut savoir pourquoi un garçon de son âge avec un tel métier n'est pas là à sauter comme un idiot, fier de sa victoire. elle veut savoir toute l'histoire. puis peut-être l'aider à s'amuser aussi.
elle a l'âme charitable, aujourd'hui.

le verre de whisky apparaît sans que jade ne détourne les yeux : elle a cette faculté très spéciale d'entendre sans avoir besoin de regarder et au son que fait l'objet, de savoir à quelle distance il se trouve. ainsi, sans ciller, le petit verre est entre ses doigts peints de bleu foncé et son sourire n'a pas bougé de ses lèvres étirées.
elle a la mine fascinante de l'enfant-image qui ne connait que les mirages et elle en joue. elle a sur ses lippes l'interrogation persistante du pourquoi et du comment mais il n'y a aucune réponse dans ses deux orbes glacées qui foudroient sur place. ainsi elle fascine et met à l'aise : elle n'a pas l'air d'être là pour parler d'elle et cela met instinctivement les gens en confiance. la société tombe en lambeaux car les gens ne voient pas au-delà de leurs nombrils. jade est de ceux qui mettent au placard leurs problèmes personnels quand ils partent chasser les âmes égarées : elle s'oublie quelques heures pour rendre l'espoir à un gamin qui n'a pas tant perdu que ça mais qui ne voit que le noir.
il serre sa main avec vigueur, répond avec ce langage des jeunes d'aujourd'hui. jade a appris manier les jolis mots pour convenir à ses aînés mais l'innocence qui se dégage de ce ouais laisse un sourire amusé courir sur ses lèvres.
elle a l'impression de passer son existence entourée de vieillards.
'une amie pour la soirée.' explique-t-elle, énigmatique. c'est le style de la maison: jade débarque dans vos vies parce qu'elle veut quelque chose et disparaît tout aussi rapidement. elle est volage et volatile et indomptable. on dit que c'est ce qui fait son charme, aussi. elle attrape son verre qu'elle avale d'une traite. l'alcool lui brûle la gorge, la libère une seconde puis s'évapore. elle ne grimace pas quand elle sent le liquide glisser insidieusement dans la bouche et elle ne tremble pas alors qu'elle a la gorge en feu. elle le sent, inhale la douleur et la transforme en chaleur : chaque verre deviendra moins douloureux et la fera voler, bien au chaud. jade connait la chanson.
elle lève la main vers la serveuse et redemande la même chose. de toute ses actions, elle n'a jamais tourné la tête.  'donc dis-moi tout. qu'est-ce qui  oblige un petit prodige du quidditch mignon et visiblement pas trop idiot à passer ses victoires tout seul au lieu de s'amuser?' elle a les yeux qui pétillent, l'air serein de ceux qui savent et surtout, elle a la patience de trois hommes entre les mains. 'et si tu commences à m'expliquer par a + b que tu préfères lire plutôt que te noyer dans l'alcool, sache que je ne te crois pas.' accompagnant ses mots d'un mouvement du buste pour s'approcher de la table, elle se penche légèrement au-dessus du morceau de bois. l'air investigateur de celui qui veut savoir peint sur son visage, elle garde pourtant sa flegme habituelle.
comme si avoir l'attention de parkinson était un privilège. il faut dire que si l'histoire n'est pas croustillante, intrigante ou mystérieuse, la gamine se lasse vite.
l'index de sa main droit trace des cercles sur le panneau de bois alors qu'elle attend sa réponse. elle est à peu près sûre que c'est un visage connu et jade n'oublie jamais un visage : elle se doute donc qu'ils n'ont jamais eu de conversation. mais elle a dû le croiser au détour d'un couloir de poudlard. sans doute un gryffondor ou un poufsouffle puisqu'il n'a pas la carrure du savant.
rapidement, elle joue aux devinettes et finit par mettre la fin sur des bribes d'informations qu'elle ne tire que de sa mémoire, de l'apparence du garçon, de ses mouvements. son sourire est trop léger pour être habituel : ainsi s'éloigne-t-il de la populace.
tout le puzzle la mène à cette unique pièce manquante.
maintenant, elle est intéressée.

la perte de contrôle.
l'élan de pitié que jade ne connait jamais, pourtant, grandit dans sa poitrine. puis arrivé à destination entre sa cage thoracique et son palpitant, elle sent le monstre devenir compassion. son sourire amusé se fait plus amical et sa tête se penche légèrement vers la droite avec un air de compréhension. 'à qui l'dis-tu.' murmure-t-elle avant d'avaler son second verre tout aussi rapidement.
la brûlure n'a rien de mauvaise. elle est là, elle existe, elle la nettoie de l'intérieur. alors jade l'accepte à bras ouverts. et ce n'est plus si terrible.
sa main se relève et elle ne montre que deux de ses doigts. un joueur ne peut décidément pas fêter sa victoire de la sorte et jade est bien décidée à profiter de sa soirée. ainsi, dévergonder un jeune en quête de plénitude ne peut être que sa bonne action de l'année avant que janvier ne sonne à sa porte, accompagné de son lot d'embrouilles.
la môme n'a jamais dit non à un verre : elle boit comme deux hommes et cela ne l'embête pas tant que ça. papa faisait pareil, papa est mort, mais ça ne compte pas. non, jade ne boit pas comme lui : elle boit les beaux jours mais jamais les mauvais. elle s'amuse pour oublier l'air ambiant, pas le passé. l'alcool est sa délivrance, elle l'éloigne du présent.
papa buvait pour oublier ses erreurs passées.
elle s'approche et il parle.
le mot monstre résonne.
elle hausse un sourcil, mais n'insiste pas. si jade a bien une qualité, c'est qu'elle connait les limites de la race humaine. elle les a étudiés durant de nombreuses années, assise au fond d'un sofa, regardant les élèves aller et venir pendant des heures sans jamais se lasser de leurs réactions diverses. c'est pour cela qu'elle les connaissait tous si bien.
pour cela aussi que tout le monde avait entendu parler de parkinson.
'une femme' commence-t-elle avec son éternel sourire de nouveau placardé sur ses lèvres comme un avertissement. 'n'a guère besoin d'un homme pour s'amuser.' et c'est sur ces mots profonds que la serveuse revient avec les deux potions demandées. jade pousse un des petits verres en direction du garçon.
'tu n'as pas vraiment l'apparence du monstre qui se cache sous mon lit, tu le sais ça?' elle demande finalement de la même voix claire et posée qui semble s'accorder à ses yeux : l'eau claire d'un lac, mais il suffit de s'y pencher un instant pour comprendre qu'on y voit jamais le fond, et qu'avancer encore serait synonyme de noyade.
peu survivent à ça. la plupart s'enfuient.
et les autres, elle les fait courir d'elle-même.
'tu ne devrais pas être aussi dur avec toi. si tu es une abomination à un moment donné de ta journée,' hésitation cachée sous le calme de sa voix. elle pense alors à la pleine lune qu'elle sait être aujourd'hui. peut-être que ce n'est pas ça : peut-être est-il un sociopathe qui a encore du sang sous les ongles, et qui malgré tout nourrit quelques remords. peut-être a-t-il fauché un gamin avec avec son balais. qui sait. mais la lune le narguera bientôt dans le ciel et jade doute que cela soit une coïncidence.
'alors profites du temps ou tu ne l'es pas.' puis ses doigts se referment sur le verre et son regard se pose dans celui du garçon, attendant simplement qu'il donne le départ à la petite fête improvisée de victoire.